Tiré de Grisbi or not grisbi, un polar d’Albert Simonin que son auteur accepta de considérablement remanier lorsqu’il travailla à son adaptation cinématographique, ce film de George Lautner aurait pu passer inaperçu sans un miraculeux concours de circonstances. Michel Audiard, qui en signa les dialogues, avait d’abord voulu l’intituler Le Terminus des prétentieux, en reprise d’une réplique de l’un de ses héros. Par bonheur, ses producteurs l’en dissuadèrent. Nul doute qu’avec un pareil titre, le succès aurait eu peu de chance de se trouver au rendez-vous. Par ailleurs, Jean Gabin, qui avait été pressenti pour tenir le rôle principal et voulait imposer des conditions exorbitantes à sa participation, fut remplacé par Lino Ventura, dont le profil, le jeu et la personnalité correspondaient probablement mieux à la dimension comique du scénario. Enfin, une scène d’anthologie, la célébrissime scène de la cuisine, théâtre d’une beuverie aussi hilarante que mémorable, faillit ne pas être tournée, Audiard la considérant, curieusement, inutile.
Le DVD qui fut tiré du film et en présente une version soigneusement restaurée, continue une honorable carrière commerciale, même si les chaînes de télévision le programment régulièrement. Car, aujourd’hui, ce long métrage fait partie des grands classiques du cinéma français, quasi unanimement apprécié. Tel ne fut cependant pas le cas lors de sa sortie, en 1963. La mode s’engouait pour la Nouvelle Vague et l’intelligentsia parisienne vouait Michel Audiard aux gémonies, notamment parce qu’elle ne goûtait pas son humour dévastateur d’anar de droite, soutenu par la virtuosité avec laquelle il maniait la langue verte. Les Tontons furent donc copieusement éreintés. A titre d’exemple, Henri Chapier, s’adressant au dialoguiste, écrivait : « Vous pavoisez haut, mais vous visez bas. » Le critique sera beaucoup mieux inspiré lorsqu’en 1983, il fut l’un des très rares à remarquer Clémentine Tango, un film de Caroline Roboh que la télévision s’honorerait de diffuser, car il s’agit là d’un petit chef d’œuvre dérangeant de poésie, d’esthétique et d’humour.
Raoul Volfoni : « Non mais t’as déjà vu ça ? En pleine paix, y chante et pis crac, un bourre-pif, mais il est complètement fou ce mec ! Mais moi les dingues j’les soigne, j’m’en vais lui faire une ordonnance, et une sévère, j’vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins d’Paris qu’on va l’retrouver éparpillé par petits bouts, façon puzzle… Moi quand on m’en fait trop j’correctionne plus, j’dynamite… j’disperse… j’ventile… »
Fernand Naudin : « Patricia, mon petit… Je voudrais pas te paraître vieux jeu ni encore moins grossier. L’homme de la Pampa, parfois rude, reste toujours courtois, mais la vérité m’oblige à te le dire : ton Antoine commence à me les briser menu ! »
Fernand Naudin : « Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît. »
Illustrations : Affiche du film - Scène de la cuisine - Couverture du DVD (Gaumont).