Le génie de la France tient assurément à la variabilité géométrique de ses discours. Il est formidable, cinquante ans après les drames, de dénoncer un "système colonial injuste" en Afrique du Nord. Dans le même temps, on en est à "féliciter chaleureusement" la victoire du parti de Poutine (tiens, et qu'en pense Glucksmann?). Frisson glacé, quand les autres pays occidentaux s'arment de prudence, voire dénoncent le manque de transparence et de démocratie dans la Russie d'aujourd'hui. On déroule une repentance contrite ici, on applaudit un régime plus qu'autocratique ailleurs. C'est que la France, plus marchande que jamais, pratique d'abord la diplomatie économique, au mépris de toute cohérence. Là où une stricte intégration des enjeux humanitaires et des contraintes écologiques pourrait jeter les bases de relations plus équitables et plus respectueuses des parties, nous nous enfermons dans les schémas obséquieux et obsolètes d'un commerce à courte vue. L'épisode chinois de la semaine dernière l'a aussi montré. Ce qui semble compter avant tout, c'est de flatter le chaland quel qu'il soit, quitte à adopter des attitudes contradictoires d'un pays à l'autre. La ficelle est grosse, la stratégie grossière. A chercher à se faire trop vite les boutiquiers du monde, nous risquons surtout d'acheter très cher notre solitude internationale.