" J'avais laissé partir mon père. Pas mon papa, mon petit homme, mon terne, mon hibou d'enfance derrière ses grosses lunettes. Pas celui qui me portait au lit, sa joue contre la mienne, qui nous avait aimés du regard et de la peau. Mais mon père, l'autre. Ce héros sans lumière, ce résistant, ce brave, ce combattant dans son coin d'ombre. J'avais laissé partir cet inconnu, ce soldat, ce déporté. Qui était retourné à la liberté comme on va au silence. J'avais laissé partir une page de notre histoire commune."
Rencontre déterminante que celle de Marcel Frémeaux, le narrateur, biographe familial, avec Tescelin Beuzaboc et son passé de résistant.
Est-ce la trace manquée de son propre père, le résistant, Brumaire que cherche le narrateur tandis qu'il s'emploie à orchestrer les souvenirs des Tescelin, en une biographie de commande.
"Le biographe est là pour autre chose que pour rapporter les faits. Il existe pour ce que d'autres disent d'eux-mêmes, pour ce qu'ils prétendent de leur vie. Il est là pour offrir à chacun sa part de vrai et sa part d'autre chose. Ni mensonge, ni falsification, mais promenade en lisière de tout cela à la fois."
Rôle du biographe, quête du père et enfer de l'imposture sont les thèmes majeurs de ce roman d'introspection à l'écriture sensible et raffinée.
Un coup de coeur
Apolline Elter
La légende de nos pères, Sorj Chalandon, roman, Grasset, août 2009, 254 pp, 17 €