« Car il faut bien que Tu pardonnes à ceux qui ont donné la chasse à mes enfants comme à des éléphants sauvages. Et ils les ont dressés à coups de chicotte, et ils ont fait d’eux les mains noires de ceux dont les mains étaient blanches. Car il faut bien que Tu oublies ceux qui ont exporté dix millions de mes fils dans les maladreries de leurs navires/Qui en ont supprimé deux cents millions. »
Ces vers sont ceux de Léopold Sedar Senghor (photo), d’un poète de la paix, qui par la puissance et la beauté de sa poésie, décrit avec justesse le martyre éternel du continent noir : l’esclavage. Parlons-en. Puisqu’avant hier (le 10 mai) une journée, en France, lui était consacrée. Une date où les Africains, les descendants d’Africains, mais aussi les amis des droits humains, se sont arrêtés pour se souvenir d’une tragédie que porte encore leur conscience. Nous ne pouvons oublier cette page, sombre et tragique, de notre histoire commune, où les hommes et femmes, ayant une civilisation, un passé, une jeunesse, une musique, ont été traités comme des bêtes, des « meubles » (Code noir, aticle1). Qu’on soit clairs : invoquer ces faits ne veut pas dire convoquer la France, l’Angleterre et les autres anciennes puissances esclavagistes au banquet d’un nouveau tribunal accusatoire mais à un tribunal des consciences. De l’anamnèse. Où l’Homme s’efforcera à nommer, à reconnaître, ce que fut l'ampleur de son mal envers l'Autre différent. L’examen de conscience est le préalable à tout renouveau, à toute guérison, à toute rédemption. Ecoutons, à nouveau, Senghor :
« Seigneur la glace de mes yeux s’embue/ Et voilà que le serpent de la haine lève la tête dans mon cœur, ce serpent que j’avais cru mort…/ Tue-le Seigneur, car il me faut poursuivre mon chemin » (…)
Guillaume Camara