C'est bien simple, on n'osait plus en parler. Après 2007 et le fond du trou où on s'était logé, on préférait éviter d'être enfermé dans la caricature facile du baba cool chevelu. À tel point qu'on a donc sciemment occulté un sujet quasiment identitaire des Verts : la drogue, son commerce et sa consommation.
Pourtant, notre proposition est loin d'être un dogme libertarien de laisser-faire. C'est même de réglementation qu'on parle. Antoine avait bien résumé, en juillet 2007, la situation :
Pourquoi le débat autour du cannabis, dans notre pays, tourne systématiquement à la caricature ? D'un côté, on voit toujours les mêmes débiles bobos bien pensant réclamer du cannabis pas cher, accessible à tous, et de l'autre côté, toujours les mêmes délires prétendant sans rire qu'en fumant un joint une fois dans sa vie, on termine tous suicidaire.
Le débat est revenu de là où on l'attendait le mois : un maire de ville de banlieue, un ancien communiste, Stéphane Gatignon.
Le maire de Sevran voit en effet certains de ses quartiers gangrenés par l'économie souterraine ultra lucrative de la drogue prohibée. L'argent du shit serait évalué à 800 millions d'euros. Le pseudo plan Marshall de Fadela Amara prévoit 500 millions d'euros. C'est un raccourci facile, certes. Mais la comparaison n'est pas inutile.
Stéphane Gatignon voit les quartiers quadrillés par des gangs de dealers, les nourrices, les gamins recrutés en guetteurs... et il prend le Mexique comme monstrueuse évolution possible de certains portions du territoire français. Vous en connaissez beaucoup, vous, des élus qui font référence au cinéma populaire (parfois limite nanar) dans une tribune du Monde ?
Notre monde suit une pente dangereuse. Cinéma et littérature nous avaient prévenus. Si Scarface, de Brian De Palma, est un film fétiche dans les cités, c'est que nous plongeons dans la violence également annoncée par Orange mécanique, de Stanley Kubrick. Au livre de Roberto Saviano, Gomorra, il faut maintenant ajouter celui de Luc Bronner : La Loi du ghetto, qui, hélas, n'est pas un roman. Le film Banlieue 13, dans lequel le ghetto est encerclé par un mur-forteresse, avec pour seule entrée un check-point entre police nationale et trafiquants, pourrait bien s'avérer prémonitoire.
Nous ne sommes pas encore au Mexique, avec ses milliers de morts et victimes civiles, mais le parallèle est intéressant, notamment sur les manques de démocratie locale que la mainmise d'un trafic sur une ville peut avoir.
À lire absolument, donc :
- Le trafic se porte bien, comment va la démocratie ?, tribune dans Le Monde
- « Il faut des champs de pavot et d'herbe en Ile-de-France », interview dans Rue89
- Un prof de pédiatrie qui soutient Stéphane Gatignon
- Les pieds dans le plant, portrait de Libé
- Sur Europe 1
Espérons que le soufflé du "jeune" maire qui s'attaque à un tabou de la société française ne retombera pas. Il est dommage que pour l'instant, hors écologistes, seuls des élus en fin de carrière (Daniel Vaillant) ou marginaux (Malek Boutih, aux positions assez proches de Gatignon) osent de telles prises de position.
Pour rappel, la position des Jeunes Verts, adoptée en 2006 à Bordeaux (j'y étais, débat houleux) : Enfin une politique des drogues ![1] et un communiqué récent qui précise :
Les Jeunes Verts réaffirment leur volonté de lutter contre tous les trafics et l’économie parallèle liée aux drogues. Non pas en autorisant la vente libre, mais en instaurant une règlementation claire, encadrant la production et la vente des drogues douces. Une telle mesure permettrait de contrôler la qualité des produits en circulation, de financer la prévention et de mettre fin à l’économie parallèle et aux trafics qui plombent nos lycées et nos quartiers.
Un grand merci à Stéphane Gatignon pour avoir remis le débat sur la table en France, avec de solides arguments et une grande légitimité pour contrer les sécuritaristes.
Notes
[1] Mériterait une mise à jour, tiens