Résumé du texte adopté par le conseil national du 27 avril 2010 par Michel
Sapin
Les clefs du nouveau modèle
1) La priorité au long terme plutôt que la tyrannie du court terme.
Cela signifie :
- consacrer davantage de ressources aux activités qui préparent l’avenir : l’éducation, la recherche, l’innovation, le développement des infrastructures, la sobriété énergétique.
- Nous devons faire le choix d’un développement respectueux de la planète et des générations à venir.
2) La justice plutôt que la captation des richesses par une minorité.
- Nos sociétés sont devenues de plus en plus inégalitaires.
- L’essentiel des nouvelles richesses a été capté par les plus riches.
- Nous assumons notre volonté de répartir autrement les richesses entre le capital et le travail, de réduire l’écart des rémunérations, et de lutter contre le transfert continu des risques vers les salariés, notamment les plus précaires.
3) Le bien-être plutôt que le tout avoir.
- Nous sommes dans une société de l’avoir qui favorise une frénésie de la consommation qui appauvrit tout le monde :
- société du jetable, société de l’épuisement des ressources, société de l’insatisfaction. Il faut engager la mutation de nos sociétés vers la valorisation du bien-être au lieu du tout avoir.
- Cela veut dire consacrer davantage à l’essentiel – l’éducation, la santé, la culture… – et moins à l’accessoire, à l’immédiat.
Il s’agit de répondre aux besoins essentiels de la personne humaine et de permettre son émancipation en garantissant à tous la dignité et les droits à la santé, au logement et à une éducation de qualité.
4) Les biens publics et la solidarité plutôt que l’individualisme.
Une société du bien-être, c’est aussi une société qui :
- prend soin des biens collectifs – énergie, eau, environnement;
- qui favorise le développement des services publics et des réponses solidaires;
- qui développe la protection sociale.
Il n’y a pas d’autonomie des individus sans solidarité et sans protection des biens publics.
- Il faut redonner confiance dans l’action publique, dans l’Etat, dans la solidarité, dans une approche collective des problèmes individuels, c’est un enjeu fondamental pour la gauche.
- Cela passe par un Etat plus juste qui fasse contribuer tout le monde équitablement à l’effort de solidarité et qui apporte des réponses plus individualisées. C’est une nouvelle articulation entre individu et Etat qu’il faut construire. Un Etat qui élargit les choix, qui permet aux individus de choisir et de maîtriser leur vie.
5) Donner les moyens de maîtriser son destin
- Nous sommes face à une perte de maîtrise de nos choix quotidiens avec la montée constante des dépenses contraintes.
Pour les faibles revenus, elles sont passées de 24% à 48% des revenus de 1979 à 2005.
- Nous devrons construire les protections et inventer les nouveaux droits :
- par exemple : le droit au logement, le droit à la sécurité sociale professionnelle, le droit à l’autonomie des jeunes, le droit à la santé, le droit à la vieillesse décente pour les plus âgés.
6) La société créative plutôt que la société de la fausse performance.
L’enjeu est de permettre à un nombre croissant de citoyens de devenir acteurs de leur présent et de leur avenir :
- de produire localement la réponse à des besoins locaux ;
- de produire collectivement des services et des biens publics ;
- de mettre en œuvre des solidarités locales ou globales ;
- d’oser expérimenter des idées neuves.
Penser un nouveau modèle de développement nécessite de reposer les questions essentielles.
Que produire ? Comment produire ? Comment distribuer ?
- Que produire ? Pour un nouveau modèle productif
- Cela implique de reconstruire un appareil productif complet – industrie, services, agriculture – à la fois écologiquement durable, économiquement performant et véritablement créateur de valeur ajoutée sociale.
- Pas d’économie forte sans industrie forte
- Il est nécessaire de repenser notre stratégie industrielle pour préparer le modèle de production de demain et conduire sa mutation écologique.
- L’effort de transition qui nous sera demandé est très important, et il doit se faire le plus respectueusement possible des hommes et de l’environnement.
- Nous devons faire le choix de l’innovation et de la connaissance.
Cela rend impératif l’accroissement de l’effort collectif de la nation pour la recherche et l’enseignement supérieur, le décloisonnement des systèmes de formation, en donnant les moyens nécessaires aux établissements d’enseignement supérieur, la mise en œuvre, en partenariat avec le secteur privé, de grands projets industriels, porteurs d’avenir, et une nouvelle dynamique pour les pôles de compétitivité.
- Nous affirmons notre attachement aux sites industriels, et nous devrons nous doter de tous les outils permettant à la fois d’ouvrir de nouveaux sites et d’éviter la fermeture des sites existants en accélérant leur reconversion. Pour encourager cette reconversion des sites et des salariés et lutter contre les licenciements abusifs, nous souhaitons augmenter le coût des licenciements économiques dans les entreprises florissantes (seuil fixé par branche en fonction du résultat) et instaurer une obligation de remboursement préalable des aides publiques reçues moins de cinq ans avant toute ouverture de procédure de licenciements ou
de fermeture de sites.
Dans les cas extrêmes de pratiques manifestement contraires à l’intérêt même de l’entreprise, menaçant volontairement sa pérennité (c’est l’exemple de Molex), nous
donnerons la possibilité aux salariés de saisir le Tribunal de grande instance afin de prendre les mesures nécessaires, y compris la mise sous tutelle judiciaire, le temps utile pour faire cesser ces pratiques.
- L’accès aux biens communs
Il s’agit désormais de considérer le développement, l’extension et la défense des «communs »– ces biens et espaces collectifs accessibles à tous et qui échappent au marché –, comme un objectif politique et économique prioritaire.
- Il s’agit d’abord d’environnement, dans toutes ses composantes. La réflexion sur un modèle de production plus sobre en ressources est indissociable de celle sur un nouveau modèle énergétique.
Pour atteindre ces objectifs, nous proposons de lancer une coopération européenne renforcée en matière énergétique, qui pourrait préfigurer une véritable Communauté européenne de l’énergie.
- Privilégier les biens communs, c’est aussi consacrer davantage de ressources aux biens qui peuvent être partagés :
-
- L’éducation qui sera Objet d’une prochaine Convention
notre projet éducatif proposera une véritable révolution :
méthodes pédagogiques renouvelées, statut des enseignants valorisé, grand plan de rattrapage pour nos universités.
- La santé fait l’objet d’un mouvement délibéré de privatisation et de déremboursements.
Nous voulons un système de santé organisé davantage autour de la prévention et nous assumons notre volonté de mobiliser
les moyens nécessaires pour garantir à tous un accès à des soins de qualité, partout sur le territoire.
- Ouvertement méprisées et tournées en dérision par le président de la République, la culture et la création ne sont pas des suppléments d’âme mais le ferment de la société que nous voulons.
Nous devons réaffirmer l’accès de tous à une culture de qualité comme une priorité de la gauche.
- Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC)
Nous défendons le modèle d’un réseau internet ouvert à tous et régulé démocratiquement face à des logiques d’appropriation privée ou de contrôle politique.
- Pour une transformation responsable et biologique de notre agriculture.
Nous ne renoncerons pas à une agriculture française forte, de qualité, qui permette notre indépendance alimentaire et préserve notre environnement.
2) Comment produire ? Valoriser le travail et préserver
l’environnement.
A. Le travail pour s’émanciper
- Une politique économique de progrès doit permettre de retrouver une croissance riche en emplois de qualité. L’objectif de nos politiques doit être de tout faire pour atteindre le plein emploi dans les années à venir.
- La sécurité sociale professionnelle, c’est aussi une assurance chômage étendue. Nous proposons d’avancer vers une indemnisation chômage qui ne laisse personne sans droits.
- Il nous faudra reconstruire un droit du travail protecteur des salariés.
- La question du partage des richesses au sein de l’entreprise mérite d’être aujourd’hui posée dans des termes nouveaux.
Nous proposons qu’au sein des entreprises qui ont une participation publique dans leur capital, les rémunérations soient comprises dans une échelle de l’ordre de 1 à 20. Dans les autres, l’assemblée générale des actionnaires, sur proposition du conseil d’administration, après consultation du comité d’entreprise, devra fixer ce ratio.
- La hausse des salaires reste l’objectif prioritaire.
- L’augmentation du SMIC demeure un levier fort de l’intervention publique afin d’améliorer les conditions de vie des salariés les plus modestes.
- L’emploi des jeunes, notamment le premier emploi, sésame aujourd’hui si difficile à obtenir quel que soit le diplôme, doit être facilité.
B. La société de la création plutôt que la tyrannie de la finance.
- Nous ne reconstruirons une économie forte qu’en changeant de logique. Cela veut dire commencer par remettre la finance au service de l’économie réelle et réorienter le financement privé et l’épargne vers des investissements à long terme.
Une réforme d’ensemble du système financier est donc une priorité essentielle.
- La fiscalité sera un outil majeur pour cette réorientation de la finance vers l’économie et de l’économie vers la création, l’innovation et la valorisation du travail.
Il nous faudra remettre en cause l’ensemble des régimes fiscaux dérogatoires qui sont venus terriblement compliquer le code général des impôts.
D’une manière générale, nous proposons une concentration des avantages fiscaux vers les PME, les entreprises les plus en difficulté et celles susceptibles de créer le plus d’emplois.
- Préserver l’environnement : produire différemment pour répondre au défi de l’écologie
- Notre modèle de production actuel conduira, à très court terme, à des catastrophes sanitaires, environnementales et humaines, dont les conséquences économiques et sociales seraient pires encore que l’inaction et le laisser-faire.
La prise en compte de ces périls appelle un modèle de production qui réduise notre empreinte écologique en étant moins gourmand en énergie et en matières premières.
nous croyons à un autre modèle de production :
l’éco-production.
L’éco-production doit tout d’abord être économe en ressources naturelles épuisables.
Elle doit se fonder sur la qualité, l’utilité, la durabilité des produits.
Pour favoriser ces nouvelles méthodes de production, la commande publique sera soumise à une notation social-écologique des entreprises.
Ce nouveau modèle de production redonnera du pouvoir d’achat au consommateur.
- Un nouveau contrat avec le monde et un nouveau contrat social européen pour une mondialisation solidaire et maîtrisée.
Un nouveau contrat social européen
Pour cela nous voulons :
Passer de la gouvernance faible à un véritable gouvernement économique européen.
C’est l’enjeu de la déclaration de principe que nous proposons d’élaborer avec les socialistes européens.
Pour une mondialisation solidaire et maîtrisée
Dans les pays en développement, les politiques commerciales adoptées par les pays du Nord suscitent également la colère et l’inquiétude. Si de nombreux pays connaissent le décollage économique, cela se fait souvent en laissant de côté et dans la pauvreté des pans entiers des peuples.
Nous voulons :
Imposer une autre conception de l’échange international, qui replace le commerce au service du développement, de la justice et du progrès.
Les paradis fiscaux jouent un rôle parasitaire majeur dans le développement des pays du Sud.
Le secret bancaire devra être interdit dans l’Union européenne pour permettre à l’Europe d’obtenir sa disparition progressive dans tous les Etats qui vivent de l’évasion et de la fraude fiscale.
3) Comment distribuer ? La justice et la solidarité au cœur du nouveau modèle
A. Mieux partager les richesses : une révolution fiscale
Notre fiscalité est aujourd’hui totalement inapte à remplir les fonctions de redistribution et d’orientation des choix des agents économiques qui sont normalement les siennes.
De plus en plus, notre système favorise la rente au détriment du travail et de l’esprit d’entreprise : injuste socialement, il s’avère aussi économiquement inefficace.
L’impôt doit favoriser une meilleure répartition des richesses dans notre pays.
Les mesures fiscales de la droite ont accentué l’injustice du système. En 2009, 16 350 contribuables ont bénéficié du bouclier fiscal, pour une restitution moyenne de
35 814 euros par personne. Les mille contribuables les plus favorisés ont touché un chèque moyen de 316.000 euros.
L’ensemble des mesures injustes de la droite seront supprimées, à commencer par le bouclier fiscal.
Nous proposons :
• De mettre en place un grand impôt citoyen sur le revenu
- Faire participer le capital à la solidarité nationale
- De rétablir une véritable imposition du patrimoine, via une refondation de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF)
- De lutter contre l’évasion et la fraude fiscales des particuliers et des entreprises, qui a représenté en entre 42 et 51 milliards d’euros par an.
- De combattre l’injustice fiscale en matière d’impôts locaux. En diminuant les inégalités entre territoires par une péréquation entre collectivités.
Le nécessaire redressement des comptes publics
Qui passera par :
- Cette nouvelle politique fiscale couplée à une politique de retour à une croissance durable et sélective
- Le retour à l’équilibre budgétaire en période de croissance et la réduction de la dette publique comme de la dette sociale, qui pèsent sur les générations futures et grèvent le financement des services publics comme des dépenses d’avenir, s’imposent donc comme objectif.
Avec une politique fiscale plus juste et mieux répartie, avec des politiques publiques recentrées autour des priorités d’avenir et de la réduction des inégalités, nous rendrons confiance dans l’action publique et nous assainirons les finances publiques.
B. Restaurer la puissance publique : des services publics personnalisés et universels
- Pour répondre à ces attentes cela implique de redéfinir le rôle de la puissance publique.
- L’Etat devra aussi développer une action partenariale et complémentaire avec les collectivités locales.
- Pour davantage d’égalité, nous avons besoin de protections sociales refondées et de services publics renforcés.
Pour y parvenir, il faut passer à un nouveau modèle : les services publics personnalisés. Cela veut dire des services publics capables d’apporter des réponses individualisées, tenant compte des attentes des usagers, de leurs situations……
- Pour davantage d’égalité, les services publics doivent s’adapter aux territoires et mieux répondre aux besoins des usagers.
- Nous souhaitons un système de protections sociales dynamiques, qui répare et protège les Français contre les accidents de la vie et, surtout, qui les prépare et les accompagne tout au long de leur existence.
- L’accueil de la petite enfance est au premier rang de ces nouveaux besoins.
- De même, la prise en charge solidaire des situations de handicap et de la perte d’autonomie devra faire partie des nouvelles protections.
- L’allongement de la durée de la vie est une chance, un progrès, que nous devons intégrer au modèle de développement que nous souhaitons. Notre système de retraites par répartition, basé sur la solidarité entre les générations, est au cœur du modèle social de notre pays et doit être défendu.
La retraite ouvre la période des projets, personnels, familiaux, associatifs. Nous défendons le maintien de l’âge légal du départ à la retraite à 60 ans non par dogmatisme, mais parce que nous pensons qu’il y a une vie après le travail, qui mérite d’être vécue pleinement.
C. Donner à chacun les moyens de maîtriser sa vie
- Dans le nouveau modèle, dans la société créative que nous voulons, nous donnons une place centrale à la capacité de chacun à maîtriser sa vie. Cela passe par des protections sociales renforcées et par la sécurité sociale professionnelle, qui empêcheront de perdre pied à la suite d’un accident de la vie ou d’un événement imprévu.
- Il est décisif de desserrer l’étau des dépenses contraintes, notamment ce qui concerne l’énergie ou le logement.
- Plus généralement, nous voulons une société créative, qui donne à chacun la chance et la capacité, non seulement de construire son propre destin, mais aussi d’agir pour le bien commun.
Conclusion
Pour retrouver un avenir, l’heure n’est plus à proposer quelques adaptations au système actuel. Il faut changer de modèle. La crise est globale, la réponse doit être globale.
Nous devons conduire, avec les Français, une offensive de civilisation. La construction du nouveau modèle économique, social et écologique est le premier volet en vue de la politique d’égalité réelle que nous voulons mener.
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