Les éléments de langage sont rodés : l’Europe s’est doté d’une force de frappe inédite contre la spéculation
mondiale… grâce à Nicolas Sarkozy. Dès lundi matin, il fallait répéter le message. On oublierait presque le coup de fil salvateur de Barack Obama à Angela Merkel ce week-end.
Qu'importe ! Le plan était là. Les bourses, d'ailleurs, ne s'y sont pas trompées. Lundi, elles étaient euphoriques. Les traders spéculent, les gouvernements injectent, les peuples payent. Rien de
change.
Le plan européen
Les gouvernements européens sont soulagés. Dans la journée de dimanche, ils sont parvenus à un accord en 4 tranches : 60 milliards d’euros de fonds communautaires pour aider tout Etat en
difficulté de financement, une intervention de la Banque
centrale européenne pour acquérir des créances privées et publiques, un fond de garanties publiques et multilatérales par les 16 Etats de la zone euro pour des prêts ultérieurs, et la
garantie de 250 milliards d’euros du FMI. Au total, 750 milliards d’euros ont pu ainsi être
annoncés avant la réouverture des marchés. En France, les ministres et les proches du président se félicitent. Ce plan serait l'oeuvre du Monarque, lui qui insiste depuis trois mois pour un
plan de soutien à l'euro. Sans rire, le Figaro expliquait dès lundi soir que «ce succès en poche, toute la question était pour
Nicolas Sarkozy de savoir comment communiquer sur le déploiement d'activité diplomatique de ces derniers jours»... Sans rire.
Qu'il est curieux et inquiétant de voir un chef d'Etat se réjouir d'avoir engagé 8% du PIB de la zone euro en dettes nouvelles et garanties ! «Je me suis entièrement mobilisé
auprès de nos partenaires pour que l'ensemble des institutions de la zone euro -- le Conseil, la Commission, la Banque Centrale européenne -- ainsi que les Etats-membres mettent tout en œuvre
pour garantir la stabilité de la zone euro.» a-t-il rappelé lundi après-midi devant les partenaires sociaux. Quant à la régulation des agences de notation ou des traders... on attendra la
fin de l'année, et les prochains G20. La pression de ces derniers jours auraient pu inciter les dirigeants européens à prendre des décisions en faveur d'une plus grande régulation. Et bien non...
Ils se sont contentés d'ouvrir grand leur porte-monnaie...
Les chiffres font rêver… ou frémir. Lundi matin, la ministre de l’Economie et des Finances a expliqué que, s’il était activé, le plan de soutien à la zone euro pourrait coûter
environ 88 milliards d'euros à la France, soit 20% des 440 milliards d’euros garantis. « On fournit cette garantie à un fonds de stabilisation européen et ce fonds de stabilisation
européen dûment muni de la garantie des Etats pourra aller emprunter sur le marché pour acheter de la dette d'Etats au sein de la zone euro qui seraient fragilisés ».
Les gouvernements européens ont donc (provisoirement) riposté. Mais l'exécutif européen reste désemparé : le Royaume Uni se cherche un gouvernement, la Belgique est menacée de divisions, la
Pologne attend son prochain président. Belgique puis Pologne vont prendre successivement la présidence tournante de l'Union européenne. En Grèce, mais aussi au Portugal ou en Espagne, on
manifeste contre les plans de rigueur.
Lundi, les bourses euphoriques
Dès la reprise des marchés financiers lundi matin, l’euphorie était réelle. Les traders aiment quand
les Etats promettent des milliards d’euros de dépenses et de garanties pour soutenir les cours. Ils ont gagné ; De Londres à New York, de Paris à Francfort, les bonnes affaires se sont multipliées. Le CAC 40 a terminé la séance de lundi
à +9,66%, franchissant à nouveau la barre des 3700 points,
avec 10 milliards d'euros échangés. Les valeurs bancaires ont aussi bien profité de la séance, gagnant entre 17 et 20% (Société Générale +23,89%, Crédit Agricole +18,65%, BNP Paribas +20,90%).
Des rebonds similaires ont été constatés sur toutes les places (Francfort +5,30%, Londres +5,16%, Eurostoxx 50 +10,35%). En fait, ces sauts sont habituels après de telles annonces. A l'automne
2008, les marchés avaient réagi aussi positivement aux plans de soutien bancaire annoncés à l'époque après le krach de septembre. On sait ce qui a suivi : rien.
Jean-Claude Trichet répète partout que sa BCE reste « totalement indépendante ». Le matin même, certaines voix s’étaient félicitées (un peu rapidement) de la fin de l’indépendance de la
BCE. Sa banque a dû transiger avec ses principes
fondateurs: elle avait 'abord accepté de prendre en garantie de prêts des créances grecques. La voici qui annonçait, dimanche, de possibles
«interventions» sur les marchés obligataires privé et public de la zone euro.
Sur les marchés, les analystes ne sont pas dupes : ils attendent une réduction des dépenses publiques et un retour à la croissance. C'est bien
là que le bas blesse...
Et le social dans tout ça ?
Rares ont été les commentaires à rappeler les contreparties de cette manne providentielle. Si des récalcitrants comme l’Allemagne, la BCE ou même le FMI, se sont ralliés au principe, c’est que ce
dernier est assorti d’engagements de « rigueur » budgétaire ». Samedi dernier, Sarkozy ne cachait pas que ce plan devait s'accompagner d'un «renforcement de la surveillance économique et de
la coordination des politiques économiques dans la zone euro» et d'une «révision du Pacte de stabilité et de croissance pour renforcer les sanctions en cas de manquement répété aux
règles».
Le commissaire européen aux affaires
économiques et monétaires a d’ailleurs expliqué, hier lundi, que : « La surveillance en amont ne signifierait pas un examen approfondi des finances nationales, mais la Commission
européenne chercherait à évaluer le budget de chaque Etat membre et ferait des recommandations lorsque nécessaire ». Est-ce à dire que les Etats membres doivent s'attendre à une tutelle
européenne sur leurs budgets et leurs dépenses sociales ? Jeudi dernier, l'annonce de la «rigueur»
budgétaire pour les trois années à venir était un message aux marchés.
La rigueur fait peur, même à droite.
Lundi après midi, Nicolas Sarkozy avait convoqué
un nouveau sommet social. Il a commencé par rappeler combien la France s'en sortait mieux que ses voisins grâce à l'action de son gouvernement: «le climat des affaires s'améliore, la
production manufacturière se redresse, les défaillances d'entreprise sont en recul, la consommation des ménages continue d'augmenter et la hausse du chômage est considérablement ralentie».
Bref... Que du bonheur ! Puis il précise sa gestion rigoureuse
: «Nous avons un objectif clair, celui de redresser nos finances publiques. C'était notre objectif avant cette crise financière et cela le demeure. Nous ne changeons pas de cap. Nous
maintenons notre stratégie». Le Figaro souligne la
politique responsable d'un Monarque qui refuse l'austérité. Responsable ? A en croire ses conseillers, l'homme vient de convaincre ses partenaires européens de claquer jusqu'à 500 milliards
sur le dos des contribuables européens !!
Lundi, la tension était palpable. Les syndicats invités n’ont pas apprécié qu’en plein débat sur les retraite, alors que les aides « exceptionnelles » débloquées pour cause de crise en
2009 risquent de s’éteindre, François Fillon se serve de l’exemple grec pour annoncer un gel des dépenses de l’Etat, sociales y comprises, jusqu’en 2013. Sarkozy a donc lâché du lest. Le Monarque
ne veut pas handicaper sa campagne de réélection en 2012 – et celle de sa majorité. Il avait quelques modestes cadeaux dans sa besace : les aides au chômage partiel et à la formation en
alternance seront donc prolongées. Le fonds d'investissement social sera ainsi prolongé jusqu'à la fin de l'année. Sarkozy est heureux: grâce à lui, «c'est ainsi que 120 000 personnes
bénéficient à fin mars du contrat de transition professionnelle ou de la convention de reclassement personnalisé». Il a aussi proposé que le contrat de transition professionnelle, un contrat
trop coûteux pour être étendu largement, sera expérimenté sur d'autres bassins d'emplois. Lundi, Sarkozy se voulait aussi compatissant, rappelant le fameux plan Rebond pour l'emploi :
«Maintenir notre effort, c'est aussi prêter une attention toute particulière aux plus fragiles d'entre nous, car nous savons bien, à l'aune des expériences passées, que ce sont eux qui
bénéficieront en dernier des effets de la reprise.»
D’autres aides, comme le dispositif "zéro charge" permettant une exonération de charges sociales lors de l'embauche d'un salarié par les très petites entreprises, s'arrêteront fin
juin.
Autre cadeau: Sarkozy a promis que la réforme des retraites serait juste..., c'est à dire :
«- qu'elle concernera tous les actifs, ceux du secteur privé comme ceux du public ;
- qu'elle apportera des réponses à l'emploi des seniors mais aussi à la pénibilité car certains ont des vies professionnelles beaucoup plus dures que d'autres ;
-qu'elle sera progressive : il n'est pas question de changer brutalement les règles pour ceux qui sont proches de l'âge de la retraite ;
- qu'elle renforcera l'équité du système par un effort financier supplémentaire des hauts revenus et des revenus du capital. »
Mais il précise sa pensée, sur la réforme des retraites : «Il y a (...) deux solutions qui ne paraissent pas souhaitables: toucher aux pensions des retraités et croire, comme trop souvent
dans le passé, que la hausse des prélèvements obligatoires pourrait être la réponse à toutes nos difficultés. »
Qui prétend le contraire ? La totalité des organisations syndicales et de l'opposition (majoritaire dans le pays si l'on en croit les récentes élections intermédiaires) n'attendent qu'une chose :
que Nicolas Sarkozy fasse supporter sur les revenus des plus fortunés, du patrimoine et du capital la juste part d'un effort de solidarité nationale.
par Sarkofrance