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Juillet 1903. AFFAIRE DE MŒURS.

Par Bruno Leclercq

Juillet 1903. AFFAIRE DE MŒURS.

Le 10 juillet 1903, les journaux parisiens rendent compte de l'arrestation du baron d'A.... soupçonné d'avoir, avec le comte W..., entraînés de jeunes collégiens dans des " orgies " et des " saturnales ". " Les deux personnages [...] ne sont pas les premiers venus ; ils appartiennent à ce qu'on est convenu d'appeler la haute société parisienne, et leur fortune est considérable ". Pour Le Figaro le baron et le comte louaient (8 000 frs) une garçonnière entre l'avenue de Friedland et l'avenue Mac-Mahon. Le Matin est plus précis ; le baron, habite avenue de Friedland et le comte, une maison avenue de Mac-Mahon, M. de Valles, juge d'instruction, perquisitionne avenue de Friedland, il y saisie la " garde robe spéciale " du baron, un " lit en forme d'autel ", des " encensoirs " des " lettres impossible de reproduire ", des " photographies pornographiques ", on apprend dans le même article que la police fut mise sur la piste de ce scandale par un maître-chanteur " de mœurs inavouables ". Pour Le Figaro, c'est un père de famille qui remarqua chez ses trois fils des " absences ou des retards non justifié " et ayant appris qu'ils se rendaient chez " un monsieur, avenue de Friedland " en informa la police. Tous les journaux sont d'accord pour dire que le baron est arrêté (" malgré les larmes de sa vieille mère " Le Matin) alors que son complice le comte W... est à l'étranger. Le Petit Parisien note que cette affaire peut être rapprochée de celle qui vers la fin de 1889, eût lieu à Londres dans " la fameuse maison de Cleveland Street " et où furent compromis " nombre de personnalités de l'aristocratie anglaise, lord Somerset en tête " Une fois de plus Le Matin, est plus, si non mieux, renseigné, il donne le nombre de participants à ses " messes noires ", " une trentaine de personnes ", et n'hésite pas à donner le nom du baron : M. d'Ardouzet. Le jeune d'Ardouzet " devait prochainement s'unir à Mlle de M... - une jeune fille appartenant à la plus ancienne noblesse française ". Le journaliste du Matin est trop rapide et lance ce nom sans vérification, en effet les journaux des jours suivant, nous apprennent le véritable nom du baron, il s'agit de Jacques d'Adelswärd-Fersen, le nom de Waren mettra plus de temps à apparaître dans la presse, même si entre temps les articles nous révéleront que les W... étaient deux frères.

Sous le nom de Jacques d'Adelsward le baron d'Adelswärd-Fersen (1880-1923) avait déjà publié quelques volumes de vers et de proses : Conte d'amour, Genève, 1898. Poèmes de l'enfance. Chansons légères, Vanier 1900. Musique sur tes lèvres (Ebauches et Débauches) Vanier, 1901. Notre-Dame des Mers Mortes, Venise, Sevin et Rey, 1902. L'Hymnaire d'Adonis, Paganismes, à la façon de M. le marquis de Sade, Vanier, 1902. Les Cortèges qui sont passés, Vanier, 1903.

Juillet 1903. AFFAIRE DE MŒURS.
Il m'a semblé intéressant de suivre cette affaire bien connue, à travers la presse quotidienne, avec ses fausses informations, ses exagérations, son goût pour scandale cachée derrière une pruderie toute de façade. Le Petit Parisien , Le Figaro , Le Matin , La Presse , Le Petit Journa l , L'Aurore, nous permettront de se faire une idée de l'impact de cette affaire dans le grand public. Enfin je compléterais ce dossier par les articles que l'affaire suscitât dans quelques revues littéraires. Enfin je reviendrais rapidement sur la carrière et l'œuvre de L'Exilé de Capri.

Dès le 11 juillet, un article de Fernand Hauser dans La Presse, sans encore révéler le nom des " criminels ", revient sur les accusations de messes noires. Son article s'intitule " Les Noces de Satan (1). Les Messes Noires de Paris ", après avoir rappelé Huysmans et Là-Bas, il interroge le juge d'instruction qui corrige les articles qui ont " un peu fleurie et dramatisée " cette affaire.


" Il paraît que, lors de l'envahissement de la demeure satanique de l'avenue de Friedland, on ne trouva, en tant que corps de délits, que des corps inertes.
" Il y avait, me dit me de Valles, des encensoirs, de ces encensoirs dont parle Xavier Privas dans sa chansons Les Thuriféraires, vous savez, ces thuriféraires qui balancent les encensoirs devant la chair nue pour ostensoirs... Donc, il y avait des encensoirs, pais pas d'ostensoirs ; il nous fallut aller chez M. d'A... pour l'arrêter et le conduire au dépôt ; quand à MM. De W..., ils avaient pris la fuite et nous n'avons pu mettre la main sur eux. Des mandats d'amener seront lancés. "
M. de Valles était dans de si bonnes dispositions pour me faire des confidences, que je poussai plus loin l'interrogatoire ; et je demandai :
- Pensez-vous, Monsieur le juge, que dans cette affaire, il s'agisse vraiment de " Messe Noire "...
- De Messe Noire... Évidemment... Mais il ne faudrait pas trop faire de littérature autour de ce fait divers ; la Messe Noire, pour nos prévenus, n'était qu'un prétexte ; ils avaient en vue, des fins moins mystiques que la célébration du culte de Satan.
- On raconte que sous la lueur de lampes électriques, dans un hall magnifique, se dressait un autel jonché de fleurs tropicales et d'étincelantes orfèvreries... ?
- M. Valles sourit :
- Il y avait un lit... une table... il n'y avait pas d'orfèvreries que je sache...
- On parle de divans moelleux... ?
- Euh... ! Des chaises dures...
- On m'a signalé des statues lubriques ?
- Mais non... Il y avait une Diane et une Vénus de Milo.
- De toutes parts, dit on, se trouvaient de suggestives photographies ?
- Ah ça ! Où avez-vous appris ces choses ? Il y avait des photographies d'éphèbes bien connus de la préfecture de police, et ces photographies n'ont rien de suggestif. Voyez plutôt.
Et M. Valles fait passer sous nos yeux, et sous les yeux d'un jeune avocat, présent à notre entretient, de légères, de très légères photographies. Le jeune avocat baisse les yeux...
J'interroge encore :
- On parle d'hommes politiques compromis ?
- Ce n'est pas exact.
- Des prêtres seraient impliqués dans le scandale ?
- C'est faux
- Des femmes du monde seraient sur le point d'être arrêtées ?
- Des femmes !... Comme s'il y en avait, dans ce milieu-là !...
- M. de Valles ajoute :
- Écoutez, cette affaire n'est pas aussi compliquée que vous pouvez le croire ; il s'agit, simplement, pour nous, de protéger l'enfance... Voilà le fait, très simple et très net : des enfants on été emmenés dans la maison de l'avenue de Friedland ; c'est là un crime prévu et puni par la loi ; M. d'A... est arrêté ; MM. De W... seront, je l'espère, bientôt entre nos mains ; quand à des complices, s'il y en a, ils n'appartiennent ni au clergé, ni au monde politique.
- Et les intimes ?
- Je vous l'ai dit : des gamins que l'on racolait aux portes des collèges...
- Et sur ces mots, mon interrogatoire étant terminé, et M. Valles estimant qu'il m'avait assez donné de détails, je me retirai, remerciant mille fois, le juge d'instruction de sa si grande complaisance. "

(1) Titre emprunté à Jules Bois.
Juillet 1903. AFFAIRE DE MŒURS.
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Affaire Adelswärd-Fersen (5e partie)
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Le Canard Sauvage . Philippe. Jarry. Affaire Adelsward-Fersen (11e partie).
Alfred Jarry, Lucien Jean, Georges Roussel. Affaire Adelsward (12e partie).
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