Les 3 premières questions (prioritaires?) de constitutionnalité transmises par la Cour de cassation le 10 mai, par décisions du 7 mai 2010, sont disponibles sur le site du… Conseil constitutionnel (tableau des affaires en instance), de retour de sa visite au Palais des droits de l’homme.
Elles portent sur:
2010-6 et 7 QPC : Code électoral, article 7 (Créé par Loi n°95-65 du 19 janvier 1995 - art. 10)
“Ne doivent pas être inscrites sur la liste électorale, pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les personnes condamnées pour l’une des infractions prévues par les articles 432-10 à 432-16, 433-1, 433-2, 433-3 et 433-4 du code pénal ou pour le délit de recel de l’une de ces infractions, défini par les articles 321-1 et 321-2 du code pénal”.
La Cour de cassation constate que:
- la disposition est applicable à la procédure en cours dès lors que “prévenus de concussion par dépositaire de l’autorité publique, délit réprimé par l’article 432-10 du code pénal, M. Artano er M. Plantegenest se verront appliquer de plein droit, en cas de condamnation, les interdictions et incapacités prévues à l’article L.7 du code électoral“ (n°10-90-034/ 2010-6 QPC). Il en est de même pour M. Hermitte pour une requête en relèvement d’incapacités résultant de plein droit, en application de cette disposition, d’une condamnation prononcée à son encontre (n°09-86.425, 2010-7 QPC)
- la disposition n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel;
- au regard du principe selon lequel doit être établi le caractère strictement et évidemment nécecessaire de toute peine, au regard de l’article 8 de la DDHC (droit et liberté constitutionnel en cause), la question posée présente un caractère sérieux “en ce qu’elle concerne l’application de plein droit, à la suite d’une condamnation, d’interdictions et d’incapacités“
Les 2 questions, qui sont pourtant identiques, sont donc transmises (la Cour de cassation aurait pu n’en transmettre qu’une seule en estimant la seconde comme n’étant pas nouvelle ou sérielle)
- Cass, QPC, 7 mai 2010, n°10-90-034, M. Artano er M. Plantegenest : 2010-6 QPC et n°09-86.425, Hermitte : 2010-7 QPC (10 mai 2010)
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2010-8 QPC - Code de la sécurité sociale Article L. 451-1 et Articles L. 452-1 à L. 451-5 (faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur - accidents du travail)
La requérante (Mme Christiane ALESSANDRIE épouse LLORET) a été victime d’un accident du travail. Elle s’est pourvue en cassation contre l’arrêt rendu le 5 octobre 2010 par la CA de Grenoble qui a reconnu la Société d’aménagement touristique de l’Alpe d’Huez, son employeur pénalement responsable, aux fins d’indemnisation des frais d’aménagement de son domicile et d’adaptation de son véhicule nécessités par son état mais néanmoins les dispositions du Code de la sécurité sociale dont la constitutionnalité est critiquée font obstacle à ce qu’elle obtienne, comme victime d’un accident du travail, la réparation par la juridiction correctionnelle de chefs de préjudice ne figurant pas dans l’énumération de l’article L.452-3 CSS.
Cette limitation serait contraire, selon elle, au principe constitutionnel d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques (article 1er, 6 et 13 DDHC) ainsi qu’au principe selon lequel tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer qui découlerait de l’article 4 de la DDHC
La Cour de cassation estime les conditions de la transmission remplies :
- les dispositions sont applicables à la procédure en cours ;
- elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel;
- la question présente un caractère sérieux au regard du principe d’égalité “en ce que, hors l’hypothèse d’une faute intentionnelle de l’employeur et les exceptions prévues par la loi, la victime d’un accident du travail dû à une faute prénale de ce dernier, qualifiée de faute inexcusable par une juridiction de sécurité sociale, connaît un sort différent de celui de la victime d’un accident de droit commun, dès lors qu’elle ne peut obtenir d’aucune juridiction l’indemnisation de certains chefs de son préjudice en raison de la limitation apportée par les dispositions critiquées.
- Cass, QPC, 7 mai 2010, n°09-87.288 Mme Christiane ALESSANDRIE épouse LLORET, n°2010-8 QPC (10 mai)
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A noter aussi :
- le refus de transmission par la Cour de cassation de la QPC sur journal Rivarol mettant en cause la constitutionnalité de la loi Gayssot en raison de son absence de caractère nouveau ou sérieux pour la Cour. Elle concernait une condamnation de l’hebdomadaire d’extrême droite par la cour d’appel de Paris le 21 janvier 2009 pour “contestations de crimes contre l’humanité”, pour avoir publié un entretien avec Jean-Marie Le Pen où le président du Front national estimait que l’occupation allemande n’avait pas “été particulièrement inhumaine“ (“La Cour de cassation “juge” constitutionnelle la loi sur les crimes contre l’humanité“, LEMONDE | 08.05.10 | 14h18)
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La décision du Conseil d’Etat du 23 avril 2010 transmettant la QPC n°4 a (enfin) été mise en ligne sur Légifrance. Elle concerne l’article 137 IV de la Loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 c’est-à-dire la limitation de l’indemnité temporaire de retraite (ITR) accordée aux fonctionnaires retraités outre-mer (système dit de “surpension” des fonctionctionnaires d’outre-mer) (CE, 23 avril 2010, Cachard, N° 327174 (9 et 10ème SSR,M. Martin, prés.; Mme Raquin, rapp.; M. Collin, Rapp. pub.)