Affaire Berbizier : le Racing-Métro n’a pas fini de payer.

Publié le 11 mai 2010 par Lben

Chronique du lundi 10 mai 2010.

La règle essentielle qui fait que le rugby est un sport qui garde une certaine différence avec les autres notamment grâce au fait que l’arbitre ne doit jamais être maltraité, ni physiquement ni même verbalement, a été transgressée par Pierre Berbizier. C’est, bien sûr, dommageable sur la forme que le manager sportif d’une équipe, dont la dimension de formateur fait partie du rôle, s’exprime de cette manière dans les médias et donne une image négative de son sport au moment où un formidable mois de mai des matchs éliminatoires démarre. C’est, bien sûr, négatif pour l’image du rugby mais, aussi, même, pour le Racing-Métro. Explications.

Le Racing-Métro va payer l’affaire Berdos tout au long de la saison 2010-2011 :

Un manager sportif dont le statut de formateur fait partie de la fonction ne peut se permettre de renvoyer auprès du public et des jeunes joueurs une telle image de critique et de manque de fair-play qui ne se justifie ni par les implications financières ni par les enjeux sportifs. Pour avoir perdu une demi finale de championnat de France justement avec le Racing Club de France pour une pénalité accordée alors que le ballon était passé sous la barre transversale et une demi-finale de Coupe du Monde pour un arbitrage légèrement orienté, je sais de quoi je parle. Du fait que la décision de l’arbitre a été prise et de l’impossibilité de revenir en arrière, il ne reste plus alors qu’à faire preuve de dignité et de savoir-vivre car il devient sinon facile de se faire des ennemis pour longtemps.

Le problème, c’est qu’en attaquant de front un arbitre, et en plus l’arbitre considéré comme le n°1 en France, et le président de la Ligue, Pierre Berbizier s’est, en quelques minutes, mis à dos l’ensemble du rugby français. La preuve en est que la LNR et la FFR ont conjointement décidé d’entamer une procédure disciplinaire contre lui et que Jean-Pierre Rives, en tant que garant des valeurs de ce jeu et ancien Racingman, y est allé d’un commentaire lapidaire  :  » Je trouve les propos de Pierre Berbizier déplacés et même franchement minables. On n’a pas le droit d’insulter les gens comme il le fait. Le rugby ne mérite pas tant d’aigreur. Et le Racing qui a la chance de voir un homme comme Jacky Lorenzetti se passionner pour ce jeu et prendre les commandes du club, est en droit d’attendre une autre promotion que les propos insultants d’un coach qui voit des complots partout, est fâché avec la terre entière, mais qui souffre surtout d’un problème avec lui-même. Quand on veut monter au mât de cocagne, il faut avoir le cul propre… Et pour un type qui veut donner des leçons de morale à tout le monde, je trouve son comportement extrêmement grave. »
Difficile de faire pire et ce, d’autant plus, que même à l’intérieur de son propre club, je suis sûr que tout le monde ne se montre pas solidaire d’un tel comportement. Ce qui est embettant pour le Racing-Métro s’est que cet incident va les suivre la saison prochaine et risque même de les pénaliser. Celui qui, lorsqu’il était entraîneur de l’équipe de France demandait à ses joueurs d’être exemplaire en termes de discipline et ce, quelles que soient les décisions de l’arbitre, pour que s’inverse la systématique qui voulait que l’équipe de France ait une tête de coupable avant même de rentrer sur le terrain, a fait une grossière erreur. Et son équipe pourrait le payer tout au long de la saison prochaine.

En effet, sans même parler de complot, il est facile d’imaginer que les arbitres, même en restant neutre, puissent avoir tendance à pencher du côté opposé lors qu’un choix entre 2 décisions possibles soit à faire. Entre une équipe qui n’a pas connu de débordement et le Racing-Métro, il est possible que, dans le cadre de la prise d’une décision qui donne lieu à interprétation de l’arbitre, c’est à dire que, par le contexte même de l’action, celui-ci a le choix entre 2 décisions aux implications opposées, il peut avoir tendance, inconsciemment, à désavantager l’équipe entraîné par Pierre Berbizier. Or ce type de situation se produit fréquemment au cours d’un match et, répété dans la longueur d’une saison de Top14, peut faire que le Racing-Métro se trouve fortement désavantagé dans une compétition où le niveau entre les équipes se réduit de plus en plus.

Pierre Berbizier aurait pu avoir raison :

Pierre Berbizier aurait pu avoir raison s’il avait protesté contre la décision de positionner la pénalité à 25 mètres au lieu de 41 mètres comme il le fait maintenant, mais un peu tard. En faisant cela, il aurait contesté une erreur purement technique d’arbitrage et non attaqué nommément des personnes. Et du coup, personne n’aurait pu le lui reprocher et même, mieux, tout le monde aurait loué sa science en termes de connaissance des règles de ce jeu. Autant ses attaques personnelles comme Christophe Berdos ne reposent que sur un ressenti émotionnel qui fait qu’un carton jaune, sévère certes, mais pas illogique face à la structure de réflexion d’un arbitre au moment de prendre sa décision, devient une affaire d’état pour le rugby français, autant le fait de reprocher à un arbitre de se tromper dans l’application d’une règle ne peut être que mis à son crédit. C’est d’ailleurs la seule contestation qui aurait pu permettre à Monsieur Gaüzere de revenir en arrière et de modifier sa décision.

Par contre, un élément intéressant de cette affaire nous est donné par Didier Mené, en charge des arbitres à la FFR. Au moment de prendre la décision de donner un carton jaune, l’arbitre se pose les questions suivantes : Y avait-il faute ? Oui. Etait-elle volontaire ? Oui. Etait-elle dangereuse ? Non. Y avait-il eu répétition des fautes ? Oui. Ca veut dire quoi, répétition des fautes ??? Que Dellape a été sanctionné d’un carton jaune pour des fautes qu’il n’a pas commises ? Apparemment, oui. Et c’est là où le bât blesse. Comment ne pas provoqué une réaction d’incompréhension quand on punit un joueur pour ne pas avoir puni son partenaire un peu plus tôt ? Et ce d’autant plus que je ne suis pas totalement convaincu par les propos de Didier Mené qui semble surtout vouloir défendre sa confrérie. En effet, autant je peux comprendre que le 3ième joueur hors-jeu prenne un carton jaune justement parce qu’il est le 3ième, autant dans le cas de Dellape, c’est le geste du joueur Parisien qui est jugé. Et je veux bien croire que Christophe Berdos a eu une réaction plutôt émotionnelle face au geste de Dellape sur Morgan Parra, un joueur de l’équipe de France, ce qui n’est pas neutre car l’arbitre international passe du temps à Marcoussis avec les joueurs français et a donc pu avoir une réaction de protection vis-à-vis d’un joueur qu’il connaît bien.

Par contre, en ce qui concerne le fait que les arbitres n’aient pas voulu utiliser la vidéo en ce qui concerne la pénalité, je pense que cela aurait peut-être pu être envisagé s’il n’y avait pas eu les réactions outrées de Pierre Berbizier et Simon Mannix quelques secondes plus tôt concernant le carton jaune de Dellape. Les arbitres n’avaient surtout pas envie de rajouter de la polémique à la polémique en plein milieu du match. Ce que, là encore, je peux comprendre même si cela a créé encore plus de polémique après le match…

Le Racing-Métro doit organiser des excuses publiques :

Le mal est fait mais certaines choses peut être organisées pour en atténuer l’importance. De manière à atténuer la portée de l’incident, le Racing-Métro doit préparer un dispositif de communication qui doit permettre de recréer le dialogue avec les différentes personnes et institutions attaquées. Pour cela, il ne sert à rien de se presser mais il faut plutôt attendre que la polémique retombe et surtout que l’on approche du début de saison prochain. Jackie Lorenzetti doit alors organiser une conférence de presse dans laquelle Pierre Berbizier sera capable de présenter des excuses publiques, de reconnaître que les décisions arbitrales étaient justifiées dans le match contre Clermont et surtout que l’arbitre représente un acteur indispensable de ce jeu et qu’il faut le respecter en tant que tel. Dans le même temps, le président du Racing-Métro doit organiser un déjeuner avec Pierre-Yves Revol où Pierre Berbizier présentera ses excuses au président de la LNR de manière à recréer le dialogue et pouvoir repartir sur des bases saines et apaisées. La même chose doit être faite avec Christophe Berdos et médiatisée de manière à montrer que l’incident est clos et qu’il n’y a plus aucun problème ou contentieux entre le club francilien et l’arbitre international.

Bien sûr, le passage du manager Parisien devant la commission de discipline devra être exemplaire et les sanctions qui ne manqueront d’en découler devront être acceptées sans commentaires capables de raviver la polémique. Sans toutes ces mesures, j’ai peur que le Racing-Métro ne se trouve isolé la saison prochaine et que cela ne se retrouve dans ses performances en Top14. Par contre, je tiens à souhaiter bonne chance à Jackie Lorenzetti dans la tâche qui l’attend, celle qui consiste à convaincre Pierre Berbizier de s’excuser même si celui-ci restera toujours persuadé d’avoir raison. Une sacrée tâche…