Etat chronique de poésie 885

Publié le 11 mai 2010 par Xavierlaine081

885

J’écris : qu’est-ce que cette ombre inconnue qui m’envahit, juste rompue de ces mots lumières ?

Phares déposés au rivage de survivance.

Nuit ponctuée de vagues en phrases déliées et flots ininterrompus.

Je parle de l’ombre qui n’existe que par la lumière qui lui est concomitante.

En fait, je ne sais de quoi je parle en alignant des vers qui n’en sont pas, sur une page blanche.

Pour savoir, il faudrait que j’écrive noir sur noir, et sans lumière, avec juste une voûte étoilée en témoin de cet évènement impossible, improbable.

Seul l’été m’invite à devenir un partisan de l’ombre. Ce trop de lumière dont le pays s’abreuve en un grand vrombissement de cigales m’est totalement insupportable.

Alors que l’hiver m’invite à allumer les lumières, à proclamer paroles décousues dans le givre des aubes diaphanes, dans la douce carté d’un soleil timide, l’été luit, resplendit, m’assomme de cette ardeur qui n’est qu’invitation à la pénombre.

Derrière les persiennes croisées, il faut alors attendre le mitan de la nuit pour qu’enfin la maison puisse ouvrir la bouche et les yeux de ses fenêtres.

Elle respire alors dans une fraîcheur parcimonieuse.

Etonnant paradoxe que d’écrire, ce qui nous situe aux pleins feux de milliers d’yeux qui nous attendent au tournant de la page, et ce besoin de demeurer dans l’ombre des volets croisés, d’écourter la nuit pour délivrer paroles vaines.

Ou que l’on croit ainsi.

Car nul ne sait, de ce versant ombrageux où se trame la toile des mots, l’usage qui en sera fait, une fois les lumières allumées.

On livre au hasard des histoires. Et lorsqu’elles sont absentes, on s’organise pour que les pupilles s’en arrangent, que les neurones sis en arrière plan fassent leur petit travail de traduction et reconstruisent ce que les doigts n’ont su délivrer de manière claire et précise.

Si nous ne connaissions que l’ombre, nous ne saurions même pas qu’elle existe, tant l’habitude nous endormirait d’un sommeil pesant.

Si je ne savais que l’ombre, je ne connaitrais rien de ces traits de visage gracieux qui alimentent mes rêves. Je ne saurais rien non plus des autres existences. Je n’aurais rien à dire ni à prédire que le noir profond, sans même l’espérance d’un trait.

Manosque, 29 mars 2010

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