Dans le cadre du challenge littéraire “La Serbie à l’honneur” initié par le blog LE GLOBE LECTEUR et par le site Ulike.net, j’ai lu ce court roman d’un auteur qui m’était jusqu’alors inconnu.
Le miroir fêlé met en scène un personnage, Anan, qui éprouve une véritable “révolution copernicienne” de son esprit (pour reprendre l’expression de Kant). Alors qu’il est en train d’écrire un roman, alors qu’il mène une vie paisible, il réalise une vérité profonde : il n’existe pas.
L’homme ne descend donc pas du singe, clame-t-il, mais du néant.
Derrière cet astucieux parti-pris d’un personnage remettant en cause son existence (j’ai parfois songé à Pirandello), Svetislav Basara met en scène ce que j’appellerai une épopée de la négation et du recommencement. Nier : voilà en effet l’activité principale d’Anan tout au long du roman. Nier son existence, mais aussi nier sa langue, nier la possibilité même de parler.
D’ailleurs, si l’on recourt à l’onomastique, le nom d’”Anan” ne semble pas fortuit : il contient en lui-même l’idée de négation, mais associée à cette lettre “A” qui rappelle le commencement, le début de l’espèce humaine (on songe à Adam).
Anan est donc bien le personnage d’une épopée, au même titre que les personnages de Kafka. Parce qu’il veut déchirer le voile des apparences, remettre en cause la possibilité d’être là, la possibilité d’écrire, de communiquer – et surtout parce qu’il tend à la réalisation d’un nouvel âge d’or de l’esprit, à la découverte d’une terre promise du cogito.
Car, au fond, ce que met en doute Svetislaw Basara dans ce roman, parfois de façon provocatrice, c’est la rupture même que le XXème siècle a instauré dans le doute cartésien. Que je pense, cela ne signifie plus nécessairement que je sois.
Et c’est tout un abîme qui s’ouvre alors…