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La Dernière Entaille

Publié le 09 mai 2010 par Masterpitch

Stan bossait dans une entreprise. Il avait 55 ans, et il vivait une époque de merde, je ne vais pas vous la décrire ; c’était dans les années 80, les anglais entraient en guerre, dans les Malouines. Stan buvait. Cette entreprise était une entreprise de mise en place de matériel sonore. Elle était dirigée par le copain de la sœur de Stan, un gros balourd pas fin, de quinze ans son cadet. Stan ne pouvait pas l’encadrer, mais il bossait pour lui depuis dix ans, allez savoir pourquoi. Stan ne parlait jamais, mais il n’en pensait pas moins. Ca avait toujours été comme ça, il fermait sa gueule. Tous les gars qui bossaient dans cette boite, en plus d’être des gros cons, étaient prétentieux, comme si c’était un critère de sélection. Je crois bien que Stan aurait aimé tous les tuer.

Je vous raconte tout ça parce qu’un jour, tout un matos de dingue avait été installé pour un concert. Stan avait un vieux Walkman sur lequel il écoutait toujours la même cassette. Sur cette cassette, il y avait toujours eu« Animals » de Pink Floyd. Pourquoi cet album ? Ca, je ne saurais vous l’expliquer non plus, même Stan ne saurait sûrement pas. Il s’était mis à la musique sur le tard. Son père était mort pendant la deuxième guerre mondiale, il était aviateur. Stan n’avait jamais pris du plaisir à quoi que ce soit. Depuis deux ou trois ans simplement, il aimait écouter Pink Floyd sur son Walkman. Il était horrifié par tout autre type de musique. Mais surtout, le manque de respect qu’avaient les gens, et en particulier ses collègues, envers ce groupe qui était pour lui la seule chose audible sur cette terre, le faisait enrager comme un pauvre diable.

Ce jour là Stan venait d’effacer « Animals », il l’avait remplacé par « The Final Cut », dernier album en date du groupe. Il avait branché son Walkman sur la base centrale qui alimentait tous les amplis. Dans un geste désinvolte, mais surtout désespéré, il avait mis le son au maximum. Certains étaient tombés sur le cul, des chaises et autres meubles s’étaient déplacés sous le souffle de la musique. Toute la partie droite de la scène s’était effondrée. Stan avait alors meuglé : « Écoutez la voix des anges et fermez vos gueules ». Tout le monde était abasourdi, sauf Stan, qui arborait le plus beau sourire de sa vie. C’est là qu’il s’est mis à rêver :


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