Posté par clomani le 11 mai 2010
Le film commence avec des plans d' équarrissage et de dépeçage, dans la savane africaine. Les acteurs de cette scène sont des blancs et ce sont en fait les restes de Patrice Lumumba qu'on va brûler et passer à l'acide, puis enterrer. C'est dans un endroit anonyme de la savane qu'on a fait disparaître, dans le plus grand secret, Patrice Lumumba, acteur principal de l'indépendance du Congo Belge (ex Zaïre, actuelle RDC). Ainsi, nul ne pourra venir fleurir une quelconque tombe, un quelconque monument et en faire un martyr, ont pensé les autorités coloniales belges qui ont eu tant de mal à laisser le pouvoir à un homme intransigeant.
Raoul Peck a voulu montrer comment les excès des colonisateurs belges et l'indépendance que de Gaulle a accordée à l'Algérie ont mené quelques leaders noirs congolais, parmi eux Lumumba, fondateur du MNC, -le plus intransigeant- à demander et à réaliser l'indépendance du Congo Belge. Je pense que le film retrace plutôt bien le parcours de P.Lumumba, du VRP pour les bières belges qu'il était, jusqu'à devenir ce leader qui voulait absolument mettre fin au tribalisme et aux divisions du peuple noir pour fédérer toutes les régions du Congo et ses peuple dans un seul état. En face de lui, il a deux camps : celui des colonisateurs qui ont pris la précaution de ne former aucun cadre administratif noir (bien sûr pour mieux piller leur sous-sol et que ça permette aux colons d'avoir des esclaves à leur botte), et celui de la division : Moïse Tshombe qui veut faire sécession avec sa riche région, le Katanga (possédant 80% des richesses du Congo Belge).
Viennent se greffer l'ONU, veule comme à son habitude, la CIA profitant de l'isolement des nouveaux élus congolais, et la guerre froide. Au prix de difficiles combats, d'années de prison, Lumumba finit par être absout par le roi des Belges… il est emmené au sortir de sa geôle à Bruxelles, où on lui donne sa “carte d'évolué“(sic). Le Roi Baudouin accorde l'indépendance, à condition que Lumumba ne soit pas président car il lui préfère Kasa-Vubu, “roitelet congolais” beaucoup plus souple. Lumumba sera Premier-Ministre du 1er gouvernement. Hélas, une fois proclamée, l'indépendance n'est visible nulle part. Les Belges continuent à diriger les troupes armées congolaises, Tshombe continue à tirer de son côté pour que le Katanga devienne indépendant et arrive ce qui doit arriver : des rébellions brutales venues de la troupe africaine, des anciens esclaves qui tombent comme des mouches sur les colons belges, engendrant le désordre, provoquant l'ire de la communauté internationale bien occidentale. Le pire est commis par un des compagnons de route de Lumumba : Joseph Mobutu.
C'est alors que les rapaces fondent sur ce pauvre pays en train de s'éveiller à la liberté et à la démocratie. Les Belges ont gagné car aucun cadre n'est prêt à diriger dans les provinces. Les USA arrivent et proposent leur aide à Lumumba via le représentant de la CIA, qui se voit opposer un refus net. C'est alors que Lumumba pense à demander, en socialiste qu'il est, l'aide de l'URSS. La réprobation ONUsienne va enfoncer le clou des anciens dominateurs et Tshombe va multiplier ses provocations. C'est ainsi que Patrice Lumumba est emmené en prison avec son principal conseiller… on arrive à l'en faire sortir et ce sera Mobutu qui donnera l'ordre de le rattraper au moment où il franchit le fleuve pour passer au Congo Brazzaville et de le faire disparaître jusqu'à la moindre parcelle, afin qu'il ne devienne pas une icône et qu'il tombe dans l'oubli.
Fin du Film et là commence le débat “Afrique, le long chemin de l'Indépendance” avec les intervenants suivants : Mme Biloa d'Africa International, l'inénarrable DenisTillinac (invité en tant que représentant de Jacques Chirac dans les pays francophones ?? ah bon ?), un député UMP et un PS (François Loncle) tous deux “copinant” avec le Burkina par le biais d'amitiés diverses.
Constats divers : c'est un des rares films faits sur les indépendances africaines. Tillinac rappelle combien Lumumba était marxiste-léniniste, immédiatement rabroué par Mme Biloa qui nuance un peu le côté “affreux coco” de Lumumba. Soupirs discrets lors de l'allusion du discours de not' petit bonhomme à Dakar pondu par Guaino : “17 pages de donneur de leçons alors que la première phrase disait : je ne suis pas là pour donner des leçons”, constate un interlocuteur. Allusions à la Françafrique qui n'a jamais cessé… et, petit à petit, nous voilà à cent lieues de la colonisation belge, du problème de l'ex Zaïre, de ce que devient la RDC… plus rien, on oublie les Congolais, les Belges et on redevient Français !
Auto-congratulation parce que, nous, nous avons été de bons colons, un peu paternalistes, certes, amenant dans nos bagages tous les rouages de l'administration de la mère-patrie : écoles, médecins, administration. Alors que les Anglais, eux, ont été des colonisateurs “mercantiles” donc leur ! (Ben tiens, mon colon… et la décolonisation du Zimbabwe, et d'autres pays de l'Afrique Australe, elle était comment…). Si l'Afrique a des problèmes, c'est à cause de la corruption de ses dirigeants, du tribalisme, des guerres entre les ethnies… Heureusement, l'un des débatteurs fait allusion au Franc CFA qui a, en fait mis sous tutelle toute l'Afrique de l'Ouest en enlevant toute autonomie financière aux différents états… bon sang, mais il faut tout de même prendre conscience que le Franc CFA est complètement dépendant de la France, donc des toubabs et que les états africains de l'Ouest ne sont pas si “souverains” que ça. “Oui, mais les Africains n'ont pas la notion d'un état/nation” entend-on ! A cause de ça, les richesses de ses sous-sols sont siphonnés par les anciens pays colonisateurs ou par d'autres puissances nouvellement économiquement influentes et rien n'est redistribué en Afrique. Heureusement, l'un des débatteurs constate qu'à chaque fois qu'un leader noir, africain, se montre courageux et tente de fédérer et de créer une vrai nation, il est “dégommé” (et on fait allusion à Thomas Sankara qui a subi le même sort que Lumumba… tué aussi certainement par son “frère” de lutte).
Donc, Sarkozy avait en partie raison : la colonisation française a aidé au développement mais au prix de rencontres passées plus ou moins violentes entre deux peuples. Ca, c'est du Tillinac… corrigé par un des deux députés qui qu'aucun autre continent au monde n'a été autant contrarié dans son développement naturel que l'Afrique.
Alors, comment va l'Afrique, 50 ans après ses indépendances ? Bilan plutôt négatif . Sarkozy, contrairement à ses prédécesseurs, ne s'intéresse absolument pas à l'Afrique… Toutefois, quelques sous-régions qui vont très bien, des alliances régionales efficaces grâce à l'économie (ah bon ?), l'U.E.A. a été plus efficace que la France pour régler le problème de la Côte d'Ivoire. On déplore qu'il y ait souvent beaucoup trop d'”émissaires” blancs aux côtés des dirigeants des pays africains, mais, bon, que voulez-vous, ces gens-là ont un problème de leadership : comment imposer un état/nation à des gens qui n'étaient pas du tout dans cet état d'esprit et trouvait peu de légitimité dans les mentalités ?
Et le débat se termine sur l'énorme potentialité de l'Afrique, le fait que l'”afropessimisme” est né en France… L'Afrique est en bonne voie : beaucoup de pays émergents s'y sont précipités, mais il faudrait que l'Europe s'engage un peu plus, hélas elle en est empêchée par les nouveaux états européens de l'Est qui n'ont aucun intérêt dans ce continent.
C'est bizarre, je dois être “afropessimiste” parce que je me souviens avoir vu un documentaire sur la sécheresse en Afrique sub-saharienne, où une scène m'a traumatisée : on voyait un petit enfant squelettique se battant avec une poule pour picorer ce qu'il restait de grains de riz dans la bassine du repas commun. J'ai aussi vu un reportage tourné en Ethiopie. Les Chinois y étaient pour construire une route afin de désenclaver une grosse agglomération de l'intérieur et de la relier à la capitale. Les petits paysans éthiopiens qui avaient le malheur d'avoir leurs plantations sur le tracé de la route étaient délogés brutalement par la troupe gouvernementale, sans qu'aucun de ces cultivateurs ou éleveurs n'aient eu de contact avec un représentant de l'Etat. Lequel état a aussi vendu des hectares de terrains à l'Inde, qui arrive avec ses propres paysans sur des terrains cultivés, d'où les paysans éthiopiens ont été chassés. A part ça, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes africains. Grâce aux spéculateurs, les Occidentaux vont se reporter sur les matières premières, qui vont augmenter, et ces matières premières, les Africains en ont des kilos sous les pieds. Le seul problème, c'est qu'on ne leur a pas donné les moyens de les exploiter.
Dommage, bon début avec un film qui ose dénoncer… mauvais débat ensuite teinté de l'hypocrisie habituelle… Mais personne n'en a rien à battre de l'Afrique, je crois (sauf Bolloré, le pote du p'tit). Je ne connais pas toute l'Afrique, un peu le Sénégal, un tantinet d'Afrique du Sud (1 mois, c'est court). Je n'aime pas le ton qu'on emploie pour en parler… cet éternel paternalisme condescendant (pour ne pas dire machisme, parce qu'il m'est apparu que, si l'Afrique est en marche, c'est beaucoup grâce aux femmes) est insupportable.