Comment interprétez-vous les pressions de l’Union européenne concernant la réduction des déficits et, de fait, la nécessité de reculer l’âge de départ à la retraite ?
Liêm Hoang-Ngoc. En septembre dernier, on pouvait encore penser que les institutions internationales avaient tiré les leçons de la crise en prônant la régulation des marchés financiers et le maintien des mesures de soutien à l’économie. Depuis trois mois, ces institutions considèrent que la crise est en passe de s’achever et que les mesures impulsées en matière de régulation financière sont suffisantes. À travers des « politiques de sortie », il serait possible de revenir aux politiques néolibérales qui avaient cours avant la crise. Au cœur de ces politiques, il y a la réduction du périmètre des systèmes de protection. Ceci explique que, dans tous les pays, sans exception, la pression est organisée pour que les États s’attaquent aux régimes de retraite.
Comment cela pourrait-il se traduire concrètement pour les salariés ?
Liêm Hoang-Ngoc. Par des plans de rigueur dont la Grèce et l’Espagne sont aujourd’hui les précurseurs. Il ne faudrait pas que les gouvernements de gauche, lorsqu’ils reviennent au pouvoir, se discréditent en adoptant sans recul les mesures recommandées par les institutions internationales. Mon sentiment est que le débat qui a eu lieu dans certains pays dans les années 1980 est en train de s’étendre à l’ensemble des 27 membres de l’UE. Pour résumer, ce débat pose la question de la relance ou de la rigueur.
Liêm Hoang Ngoc
Euro-député PS
Dans ce contexte, quels débats traversent les socialistes européens ? Sont-ils en mesure d’inverser le rapport de forces ?
Liêm Hoang-Ngoc. Le Parti socialiste européen a clairement pris position ce mois-ci à l’encontre des politiques d’austérité recommandée par la Commission. Le président du PSE, Poul Rasmussen, crie haut et fort qu’il faut un moratoire sur le pacte de stabilité pour permettre aux différents États membres de sortir du chômage. Dans tous les pays, il y a véritablement une mise en cause par les institutions internationales des systèmes de protection tels qu’ils ont été conçus du temps de l’âge d’or de l’État social. Au Parlement, la seule chose qu’on puisse faire, c’est de la résistance. Limiter les dégâts et mobiliser l’opinion publique. La politique de la Commission et du Conseil (c’est-à-dire des gouvernements de droite) est suicidaire sur le plan social et contre-productive car les plans de rigueur tueront dans l’œuf la reprise. À moyen terme, on peut parier que le taux de croissance de l’économie européenne restera très faible. Les objectifs définis par la Commission dans le cadre de la stratégie EU 2020 ne seront pas atteints.
Entretien réalisé par Lina Sankari