Il est assez perturbant de constater que les recherches consacrées jadis à la prise en charge des délinquants soient, sans trop d’effort d’adaptation, plaquées sur la question de la sécurité à l’école. C’est un fait, « surveiller et punir » semble aujourd’hui le principal message qu’il faut retenir des déclarations finales des récents états généraux consacrés à la question. Belle mission que la République désabusée confie à celle qui échoue depuis de si nombreuses années à former des citoyens responsables et engagés.
Vous le savez sans doute, ‘Surveiller et punir’ est le titre d’un célèbre ouvrage de Michel Foucault, consacré à la naissance de la prison moderne. Il y étudie l’évolution de la réponse pénale du pouvoir face à la délinquance au moment de la disparition des châtiments publics, prémisse de l’abolition de la peine de mort. Le philosophe décrit comment la prison moderne est devenue une entreprise de culpabilisation, symbolisée par des éléments architecturaux (la généralisation d’un plan type ‘panoptikon’). La fonction pénitentiaire est ainsi devenue de redresser les détenus pour permettre leur réinsertion. L’outil de cette réhabilitation serait une mise au regard, une surveillance permanente. Il ne s’agirait donc plus de punir, mais de conduire à une prise de conscience morale. Ou plutôt, la punition c’est la surveillance, en ce qu’elle oblige à devenir son propre censeur. C’est finalement le programme proposé aux élèves des collèges et des lycées, auxquels est adressé un courageux programme de prévention basé sur le renforcement de la présence policière et l’installation de systèmes sophistiqués de vidéosurveillance.
Dans une sorte de lycée-loft, les principales libertés seraient ainsi abolies (on parle même de caméras dans les WC), au nom de la fin des actes de malveillance, de la fin des agressions. Derrière l’apparente légitimité des ces dispositifs, la réponse sécuritaire inquiète les spécialistes, les enseignants et les éducateurs. La réponse pénale aux troubles que certains établissements connaissent de manière structurelle sera certainement insuffisante. Car, n’est-ce pas plutôt d’une sorte de ‘camisole vidéo’ dont il s’agit ? Un dispositif qui va bientôt entourer chaque élève de contrôle (mais pas des connaissances) dans un climat de suspicion permanente ?
Le problème n’est pas à ce jour celui de la réponse aux actes de violence. Nous disposons déjà de l’arsenal juridique nécessaire pour punir. Ce qui manque, c’est une volonté politique et des moyens pour rendre à l’école sa vocation de creuset de la République : le vivre ensemble avant la compétition vers les sacro-saintes grandes écoles. Quant aux familles dont les difficultés précipitent les jeunes vers l’exclusion et la violence contre l’école, ce n’est pas la suspension des allocations qui leur permettra de reprendre pied, mais une véritable politique de réinclusion sociale, par le désenclavement des territoires pour l’accès à l’emploi et à la culture, indispensables pour réinvestir le projet républicain et rendre ainsi sa légitimité à l’école.
Sur le sujet vous pouvez lire le communiqué de presse de la FGPEP sur la sécurité à l'école (14.04.2010)