L’atelier consacré à l’éducation m’a laissé perplexe, autant que les acteurs de l’association APIS qui m’accompagnaient. De fait, cette association agit depuis plusieurs années au chevet d’une école primaire de quartier, pour en refaire un espace républicain. La coopération avec les enseignants, d’abord difficile, est désormais qualitative, et ils espèrent bientôt que les familles recueilleront les fruits de ce travail durant les années collège des enfants. Et bien, sinon leur propre intervention, aucune mention n’a été faite du travail considérable que les éducateurs et animateurs réalisent auprès des plus jeunes. Non, une seule préoccupation semblait animer les participants au débat : améliorer de 3 points les moyennes générales des élèves pour que 30% de bousiers aillent à HEC et que les autres bénéficient de l’insertion par le bulletin de salaire.
C’est une évidence, l’intégration républicaine est aujourd’hui réduite à la capacité à assurer sa subsistance, et le meilleur moyen d’y parvenir est de réussir à l’école. Mais de là à centrer toute une politique sur la réussite scolaire, il y a une marche que je ne souhaite pas voir franchie. ‘Bon élève’ n’est pas une destinée : dès la sortie de l’école, chaque soir, ce statut est sans objet. La réussite scolaire ne peut fonder seule la méritocratie républicaine. Et pourtant … Ainsi, l’intervention du proviseur du premier internat d’excellence m’a beaucoup touché. Après une année scolaire qui a produit beaucoup de résultats éducatifs, évalués en points de moyenne générale, savez-vous ce qu’il souhaite améliorer pour la prochaine ? Il souhaite réduire le volume horaire des activités culturelles et sportives pour les remplacer par des heures disciplinaires, en petit effectif dans les bureaux des professeurs (espaces à créer sans doute sur les m2 des salles récréatives).
Je ne souhaite pas accuser l’école, mais je vous renvoie volontiers au conte d’André de Peretti et François Müller que j’ai publié ici il y a quelque temps. Je veux surtout que l’on tente de penser d’autres réponses que l’Éducation nationale aux problèmes que rencontre notre société aujourd’hui. A trop confier de responsabilités à l’école de la République nous l’avons rendue complice de la situation actuelle. Nous ne pouvons attendre d’elle, trop impliquée, de trouver la solution aux problèmes qu’elle a, souvent inconsciemment, contribuée à créer.
Les tiers-lieux que constituent les associations d’éducation populaire sont capables de porter une partie des actions qu’il faut avoir le courage d’entreprendre pour les enfants et les jeunes. Il faut pour cela aussi sinon refonder au moins se réinterroger sur un système dont les valeurs ont en partie succombé aux sirènes de la civilisation des loisirs. Instituée pour permettre de donner un avenir à la République par l’éducation, l’Éducation populaire peut porter ce supplément d’âme chez chacun d’entre nous : le sens du service, de l’engagement et de la responsabilité qui forment de meilleures aptitudes au vivre ensemble qu’une bonne note à un contrôle de math.