La voix majestueuse du grand Daniel Arasse* s’élève dans la salle, expliquant pourquoi Manet, peignant Olympia, s’est inspiré de la Vénus d’Urbino, de ce tableau-ci précisément plutôt que d’un autre nu. Les trois danseuses sur scène se dévêtent et prennent la pose olympienne. Ensuite, pendant qu’elles interprètent tour à tour la Vénus Rokeby, la Grande Odalisque et quelques autres monuments de la nudité féminine, Arasse est remplacé par des ‘paroles de putes’ ou, plus précisément, de danseuses de peep-show (métier que, si j’en crois leur biographie, certaines des danseuses ont exercé), listant les diverses manières dont les clients utilisent un rouleau de Sopalin ou narrant leur dégoût des macarons. Les poses se succèdent, froides, exagérées, mécaniques, dépourvues de toute sensualité autre que celle du souvenir de la peinture à laquelle elles renvoient. A un moment, après un passage des danseuses en coulisses, l’oeil acéré du spectateur remarque l’apparition d’un petit fil blanc entre les cuisses des trois danseuses; c’est alors qu’Arasse revient, disant la controverse (essentielle) sur la menstruation ou non de la Vierge, son exposition ou non au péché originel manifesté par cette ‘curse’ mensuelle et menstruelle, et la solution finale de cette controverse par le dogme de l’Immaculée Conception. Sur cet accompagnement érudit, les trois danseuses retirent délicatement le tampon - immaculé- de leur sexe et l’exposent comme une relique. Même si on souhaiterait parfois un peu plus de sobriété, La belle indifférence de Gaëlle Bourges (qui est aussi une des interprètes) est une pièce décalée, dérangeante, et, comme le dit la chorégraphe, ‘une machine à fabriquer du nu si opérante qu’on finit par ne plus rien y voir’.
Ces pièces étaient toutes des créations, vous aurez sans doute l’occasion de les revoir ailleurs.
* que la journaliste du Monde qualifie de ‘journaliste’.
PS : pas de meilleures photos, désolé; pas le droit de photographier, bien sûr, et le service de presse n’a pas répondu à ma requête. Photos téléchargées ou scannées depuis les livrets de salle.