Fusions

Publié le 09 mai 2010 par Toulouseweb
Chocs culturels, synergies, économies d’échelle.
Il n’est pas encore tout ŕ fait certain que British Airways et Iberia fusionnent avant la fin de l’année, cela en raison de difficultés posées par le déficit de plus de cinq milliards et demi d’euros dont souffre le systčme de pensions de la compagnie britannique. Des efforts importants sont déployés pour éliminer ce problčme, sachant que les deux parties affichent la ferme volonté d’aboutir. A tort ou ŕ raison, elles y voient la condition sine qua non de leur maintien dans le peloton de tęte du transport aérien européen.
British Airways, depuis qu’Air France et Lufthansa ont entamé leur croissance externe, reste le numéro 3 européen, certes, mais ŕ distance respectable des deux chefs de file. Elle a négligé ŕ plusieurs reprises des opportunités, y compris locales, son concurrent allemand ayant mis la main, par exemple, sur BMI, ex-British Midland. Et, sur le continent, BA s’est comportée en simple spectateur quand Swiss, Brussels Airlines, Austrian, etc., ont changé de mains. D’oů, aprčs un réveil tardif, l’importance de l’opération ibérique.
Le tandem BA/IB, placé sous la tutelle d’une nouvelle holding, International Airlines Group (IAG), transportera prčs de 60 millions de passagers par an avec une flotte de 400 appareils desservant 200 escales ŕ travers le monde. Inspiré du modčle Air France/KLM, le rapprochement prévoit de préserver soigneusement l’identité des deux compagnies, BA étant légčrement dominante avec 56% des parts d’IAG. Le sičge sera installé ŕ Madrid et la direction opérationnelle ŕ Londres.
Personne ne semble craindre un quelconque choc culturel, bien que Londres et Madrid ne s’appuient pas sur les męmes maničres de faire. Lŕ encore, le modčle Air France/KLM sert de référence. Il donne en effet de bons résultats, latins et germains s’entendant d’autant mieux que chacun a conservé son drapeau.
Les réseaux, les points forts des deux partenaires d’IAG sont largement complémentaires, ce qui devrait faciliter l’intégration. Ce qui revient aussi ŕ dire que le regroupement n’aura de sens qu’ŕ travers synergies et économies d’échelle. En cette matičre, quel que soit le cas de figure considéré, et en oubliant les effets d’annonce, un soupçon de perplexité peut se justifier. La fusion United/Continental (et il s’agit lŕ d’une fusion ŕ proprement parler) devrait conduire, disent les protagonistes, ŕ des économies de 1,2 milliard de dollars par an sur base d’un chiffre d’affaires annuel de 29 milliards. BA/IB, nettement plus petite, vise une réduction des coűts de 534 millions de dollars (400 millions d’euros). On est tenté d’affirmer que ces chiffres ne sont pas tout ŕ fait compatibles, une fusion pure et dure ŕ l’américaine devant donner des résultats plus modestes qu’une opération plus douce, ŕ l’européenne. On attendrait plutôt le contraire.
Dčs lors, les regroupements, que les associations professionnelles comme l’IATA appellent de leurs vœux, en męme temps que d’autres instances, sont peut-ętre moins indispensables qu’on ne veut bien le dire. Bien involontairement, la situation actuelle de Lufthansa, désormais grand numéro 1 européen, tend ŕ renforcer ce doute. Ses résultats pour le premier trimestre de l’année montrent en effet que ses filiales ont perdu beaucoup d’argent, exception faite de Swiss tout juste ŕ l’équilibre. Il ne suffirait donc pas de grossir pour se porter mieux.
Malheureusement, aucune analyse ne permet d’y voir vraiment clair. Comment, en effet, mettre en doute l’existence des sacro-saintes synergies quand les comptes sont bousculés par la basse conjoncture, d’envahissantes cendres volcaniques et, ici et lŕ, de coűteux mouvement sociaux. On en revient toujours au męme constat : l’industrie des transports aériens, originale, inclassable, ne s’explique pas. Il faut la prendre telle qu’elle est. Le PDG d’Iberia, Antonio Vazquez, que ces interrogations n’émeuvent gučre, regarde sans plus attendre au-delŕ de la mise en place d’IAG. Il laisse déjŕ entendre, en effet, que le groupe anglo-espagnol pourrait bien prendre le contrôle d’autres acteurs, participant ainsi activement au mouvement de Ťconsolidationť mondiale.
Cette stratégie est tout ŕ la fois logique et fragile et la démonstration de son bien-fondé pour le moins incomplčte. Les analystes vont sans nul doute continuer ŕ pérorer, les colloques vont permettre de nouveaux échanges de vues Ťfructueuxť et, ŕ l’occasion, des explications Ťfranchesť. A condition de ne rien en attendre, on s’en réjouit d’avance !
Pierre Sparaco - AeroMorning