Impossible d’éviter la métaphore aquatique avec Virginia Woolf, au creux de la vague.
En 1923, Virginia est lasse de rester à l’écart de Londres. Elle veut “(s)’y plonger au lieu de rester sur la rive”. Elle vient d’écrire La Chambre de Jacob, une merveille, et s’apprête à écrire Les Heures, c’est-à-dire le livre qui sera considéré par beaucoup comme son chef-d’oeuvre puisqu’il s’agit en fait de Mrs. Dalloway. Elle remplit son journal de notes, de réflexions, d’idées, de considérations.
Selon Pietro Citati qui lui a consacré deux chapitres dans son très beau livre Portraits de femmes, écrit : “Dans le journal affleurait souvent ce que Virginia appelait sa qualité fondamentale : le manque. Tout lui était manque : la vie particulièrement -car elle appartenait aux autres, à sa mère qui l’obsédait trente ans après sa mort, à sa soeur dont elle était jalouse, à Vita Sackeville-West - “qui naviguait toutes voiles dehors, tandis que je fais du cabotage”. Les autres étaient sûrs d’eux. Elle était incertaine, jalouse ; elle n’avait pas confiance en elle. Elle n’avait rien ; elle ne possédait rien : ni enfants -ils ne consolent que les femmes au ventre fécond- ni véritable famille, ni beauté -car elle était “trop large, trop grande, trop plate, avec des cheveux qui pendent” ; et pas même avec ces vêtements que les autres femmes portaient avec naturel. Elle était une ratée. Et surtout un être à part : une étrangère, comme Kafka. Si elle voulait écrire, et tentait de devenir tout à fait étrangère afin de trouver une patrie, il lui fallait plonger sa plume dans ce manque, ce fond nu, misérable, dépouillé, qui gisait là, sous ses splendeurs apparentes et ses richesses de perroquet.”
Ce texte résonne de mille échos… Elle semble si proche…
Portrait par sa soeur Vanessa Bell.