Marchés financiers : régulation impossible ?

Publié le 10 mai 2010 par Hmoreigne

Une petite claque contre un grand choc. L’UE a enfin sorti le grand jeu, 750 milliards , pour stopper les attaques des marchés sur l’euro et au-delà sur les Etats. Ce bras de fer entre gouvernements et marchés survient un an et un mois après l’euphorique G20 de Londres à l’issue duquel les leaders des 20 plus grandes puissances avaient proclamé l’avènement d’un nouvel ordre mondial.

Chien qui aboie ne mord pas. Les envolées lyriques des membres du G20 de Londres ont, avec le recul, plus eu un effet incantatoire que réellement efficace. Gordon Brown grand organisateur avait ouvert le concours d’éloquence en déclarant qu’ “un nouvel ordre mondial émerge et avec lui nous entrons dans une nouvelle ère de coopération internationale“. Barack Obama évoquait une rencontre “historique par ses enjeux et les solutions trouvées“. Notre président, pas le dernier à en rajouter, se félicitait d’un sommet du G20 “au-delà de ce que nous pouvions imaginer“.

Concrètement, deux dispositifs avaient été arrêtés. Une relance de l’économie par la multiplication de plans nationaux de soutien à la consommation et à l’invetissement par l’injection de milliers de milliards et, ce qui devait être un encadrement strict des banques et des marchés.

Loin d’avoir gagné la partie, les Etats aujourd’hui subissent la loi d’airain des marchés. L’actualité souligne la volonté de renvoyer le balancier dans l’autre sens.

Elie Cohen dans son dernier ouvrage (Penser la crise ) s’interroge pour savoir s’il n’est pas trop tard, si nous n’avons pas laissé passer l’occasion d’une réforme de la finance qui est désormais hypertrophiée. L’économiste estime que la crise conjoncturelle de 2008 a été bien gérée mais que l’on a échoué dans la réforme structurelle du système. La faute notamment à des intérêts nationaux divergents voire antagonistes, qui ne permettent pas une action coordonnée, condition de son efficacité.

L’intérêt de l’approche d’Elie Cohen consiste à vouloir dresser un bilan du système sur une longue durée, une analyse du “festin de la croissance” et de ce que ça a coûté en termes d’endettement et de destruction de l’environnement. Il rappelle que le dogme néo-libéral de l’efficience des marchés a été renforcé dans les années 74 lorsque la croissance des trente glorieuses s’est brusquement arrêtée. La cause avait été imputée aux mécanismes de régulation, accusés de l’étouffer. Avec une dérégulation à tous crins et la globalisation, on pensait avoir trouvé la recette de la croissance continue… jusqu’en 2008 ou l’on est passé à un cheveu du collapsus général.

Elie Cohen balaye trois directions possibles pour reprendre la main. La plus radicale qui consiste à casser le système en l’éclatant dans la philosophie des lois anti-trust. Concrètement séparer au niveau des banques les activités de détail des activités d’affaires. Le hic c’est que ce sont justement les banques universelles qui ont le mieux traversé la crise contrairement aux établissements spécialisés.

Deuxième solution, mettre en place une super taxe destinée à décourager les produits financiers trop sophistiqués, trop complexes et illisibles. Enfin, la troisième solution qui a sa préférence, jouer sur les ratios de solvabilité en fonction de la situation économique.

Autre analyse intéressante, celle de François Hollande dans Médiapart . Le député de Corrèze constate que “les marchés sont plus forts avant la crise qu’après la crise; et les Etats qui ont pourtant sauvé les banques sont plus faibles qu’avant la crise“. La faute selon lui au fait que “les mesures de régulation qui avaient été annoncées n’ont pas été mises en œuvre. Et les marchés se sentent finalement libres de toute intervention“.

L’ancien Premier secrétaire du PS rejoint Elie Cohen dans le sentiment d’une occasion perdue : “Il y avait, au plus fort de la crise, un rapport de forces favorable qui aurait permis d’installer des contrôles, des interdictions, des régulations. Ce moment a été perdu. Et aujourd’hui, le rapport de force est totalement inversé. L’histoire sera sévère à l’égard des dirigeants qui n’ont pas saisi ce moment exceptionnel pour imposer une régulation“.

Tirant les conclusions de l’actuelle crise européenne, François Hollande préconise une UE à plusieurs vitesses. “Il faut une Europe d’avant-garde, et cette Europe d’avant-garde doit avoir des règles plus régulatrices, si je peux utiliser cette tautologie, des règles bien plus larges que le seul domaine budgétaire“.

La solution passe par la mise en place d’une gouvernance économique européenne. “Il n’est pas possible que la zone euro continue sans gouvernement économique clairement identifié” avait déjà déclaré devant le parlement européen Nicolas Sarkozy en … octobre 2008 . Ne reste plus qu’à passer aux actes.

Crédit photo : Wikipédia

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