Suffit donc d'une après-midi pluvieuse et l'on se dit sans trop y croire que c'est pas possible un tel foutoir dans un bureau, qu'il faut ranger, pis acheter une déchiqueteuse, pis être plein de bonne résolutions, se dire zen, y'a que le zen, plus de papiers, plus de fafiots, plus de bordel, basta ! Et toi le chat, casses-toi, viens pas traîner tes pattes de chat par icitte
Pis je me dis qu'il faudrait prendre un chiffon à poussière. Pis je me dis très vite que je vais me faire un ti' break, un peu de fumée, le calumet de ma paix.
Pis je regarde le champ de bataille, en haut, je regarde aussi en bas, et pourquoi pas à droite, bien sûr à gauche aussi et c'est là que je tombe sur mon "clou de pitoune"...
Et mon rangement était fini, mes bonnes dispositions se sont envolées, le chiffon à poussière j'ai même pas été le chercher, le chat a eu l'autorisation de revenir, j'ai regardé mon clou, je l'ai tenu, tourné et retourné dans mes pognes...
Mon clou de pitoune qu'à trente ans d'amour avec moé vous le voyez un peu sur la photo, il est tordu, trente centimètres d'acier rouillé mais vivant, qui ne demanderait qu'à repartir, qu'à se redresser sous un bon feu de forgeron. Il a cent ans .
L'histoire virile du Québec est liée à la pitoune et à cette activité économique de flottaison que l'on appelait la drave. Les draveurs, les ouvriers de ce bois l'accompagnaient dans sa descente des rivières et des lacs. Métier difficile et dangereux s'il en est. Métier noble, chapeau bas à toutes ces générations de draveurs. Les clous servaient à fixer un tronc, à le stopper dans sa descente, pour des raisons techniques, engorgement, etc.
Je me suis assis et j'ai ressorti des bouquins, "Menaud maître draveur", "Agaguk", "Le Survenant", "Le Matou", "Les Fous de Bassan"... J'ai ressorti mes cartes routières du Québec et j'ai refait des parcours, de Gaspésie en Mauricie avec une halte sur la Côte Nord sans oublier Chibougamau, les Îles de la Madeleine où je ne suis pas encore allé et où j'irai un jour. Quand j'ai rouvert les yeux la nuit tombait et mon chat roupillait dans un carton censé recueillir les papelards à jeter. Faut jamais faire de ménage un jour pluvieux, ça vous emmène trop loin...