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Racines de faubourg: l'envol

Par Anne Onyme

racinesdefaubourg1Sophie-Julie Painchaud
Série Racines de Faubourg tome 1
Guy Saint-Jean éditeur
364 pages

Résumé:

Peut-on vivre en reniant ses racines? Peut-on évoluer en ayant toujours le regard porté vers le passé? En étant incapable de voir le présent autrement que comme un reflet de son histoire? A la fin de leur vie, Patrick, Paul-Émile, Jean et Adrien, quatre amis d'enfance ayant grandi dans les rues du faubourg à melasse montréalais, éprouvent le besoin de répondre à ces questions en se rappelant ce que fut leur existence. Et, surtout, ce qu'ils furent les uns pour les autres.

Mon commentaire:

Le faubourg à mélasse (ou faubourg à m'lasse) est un quartier de Montréal (Centre-Sud) qu'on appelait ainsi à cause de la compagnie Imperial Molasse qui y avait pignon sur rue. Ses gros réservoirs de mélasse devaient transporter leurs effluves sucrées partout dans le voisinage. C'est probablement à cause de ces réservoirs et de l'odeur de mélasse que le quartier Centre-Sud a hérité de ce surnom.

Racines de faubourg nous amène dans le quotidien de quatre garçons: Paul-Émile, Adrien, Jean et Patrick. Chacun d'entre eux, maintenant âgés, raconte leur histoire. Ou plutôt, l'histoire des autres. Car personne n'est totalement objectif avec soi-même. Pour éviter d'embellir la réalité, Jean parle de Patrick, Adrien parle de Paul-Émile, Patrick parle de Jean, etc. Chacun raconte le quotidien de l'autre et la manière dont il a perçu les événements qui nous sont relatés. Si j'ai d'abord eu de sérieux doutes quant au choix de la narration, qui me semblait cahotique et difficile à suivre, je m'y suis habituée et je me suis laissée mener dans ce faubourg à mélasse, à travers les années. Car l'auteur a un belle plume et une conscience sociale et humaine bien aiguisée.

Dans ce livre, l'auteur prend la place de quatre garçons qui évoluent à travers les années, jusqu'à devenir quatre adultes, parfois désillusionnés par la vie. Il est très intéressant de voir la vie d'hommes raconté avec autant de réalisme par une femme. Le contexte social, culturel et politique de l'époque est bien rendu. On entre de plein fouet dans ce quartier ouvrier des années 50 et 60, on rencontre les familles des garçons, ancrées dans les mentalités de l'époque. La religion était omniprésente, les conventions également, même dans les familles pauvres. La différence entre ce quartier et les quartiers huppés tels que Outremont ou Wesmount est bien rendue.

C'est un roman très intéressant pour l'aspect psychologique et social qu'il apporte. La vie n'est pas évidente, les choix que l'on fait ne sont pas toujours conformes à ceux que l'on espérait. À travers l'histoire de quatre garçons montréalais on comprend que nos racines, où on est né et d'où on vient, ont leur importance sur ce que l'on deviendra une fois adulte.

J'ai beaucoup aimé ce roman et je lirai avec plaisir la suite. Je trouve que l'écriture est différente. C'est un roman lent, qui décrit beaucoup et explique énormément le côté social et psychologique de ses personnages, mais ça m'a plu. Cette façon d'écrire donne beaucoup de vécu et de poids à Adrien, Jean, Paul-Émile et Patrick. On croit totalement leur histoire, on est plongé avec eux dans leur passé. Une belle lecture.

Quelques extraits:

"J'aimais le faubourg à mélasse de manière viscérale. J'y étais né. J'y avais passé mon enfance. J'y étais devenu un homme. Mais au même moment, je rageais de constater que le syndrome du petit pain, affligeant avec tellement de force les différents quartiers ouvriers de la ville, m'avait moi aussi atteint de plein fouet. J'étais mal à l'aise à Westmount ou à Outremont parce que je ne m'y sentais pas à ma place. Je ne me sentais pas l'égal des gens qui y habitaient, et ce constat me donnait envie de hurler." p.107

"On dira ce que l'on voudra, cela prenait une bonne dose de courage, dans le Québec encore puritain des années soixante, pour se décider à foutre un mariage à la mer. L'exploit fut d'autant plus remarquable que madame Mousseau venait d'atteindre la soixantaine, conditionnée toute sa vie à accepter l'idée que l'on se mariait pour le meilleur et pour le pire, même lorsque le pire prédonminait largement sur tout le reste, et que l'on devait endurer sa situation sans jamais répliquer." p.299

En complément:

Si vous avez envie d'en apprendre plus sur le faubourg à m'lasse et d'en lire le portrait historique, le Centre de Santé Jeanne-Mance en collaboration avec l'Économusée du fier monde a publié un document disponible en ligne et intitulé Du faubourg à m'lasse d'hier aux grands projets d'aujourd'hui. Ce document nous offre la petite histoire du quartier Centre-Sud de Montréal et est très instructif. Un bon complément au roman!


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