A la caisse, les vieux

Publié le 09 mai 2010 par Malesherbes

Depuis des années, Alain Minc prodigue ses conseils à des dirigeants d’entreprise et des hommes politiques et même, depuis un certain temps, au plus grand d’entre eux. Curieusement, les erreurs qu’il a pu commettre n’ont pas entamé sa crédibilité. Je l’ai entendu à la radio, il y a deux ou trois jours, tenir des propos qui m’ont conforté dans l’opinion que j’ai de lui.

Il évoquait le cas d’une de ses connaissances dont le père, âgé de cent deux ans, venait de sortir rétabli de l’hôpital, après avoir subi des soins ayant coûté une très forte somme, que je ne rapporte pas ici, n’étant plus certain du montant évoqué. Cette personne disait, qu’en pareille circonstance, dans la mesure où la famille serait solvable, il serait bon de récupérer cette somme chez les proches ou, si j’ai bien compris, le moment venu, sur l’héritage. Si ce genre de « raisonnement » peut-être tenu dans le cas de tout assuré social financièrement à l’aise, j’ai été choqué qu’il surgisse à propos d’un centenaire.

Il y a très longtemps, lorsque la mortalité des enfants était très élevée, les familles accueillaient volontiers une progéniture nombreuse, dans l’espoir de voir ainsi arriver à l’âge adulte une descendance suffisante. De nos jours encore, dans certains pays, les parents s’emploient à élever assez d’enfants pour que ceux-ci puissent prendre soin d’eux dans leurs vieux jours. D’autres sociétés, dont nous sommes, ont étendu la solidarité au sein de la famille à un cadre collectif. Dans un tel schéma, l’objectif est que chacun contribue selon ses moyens et, en contrepartie, reçoive selon ses besoins.

En phase avec l’entreprise de démantèlement de la Sécurité Sociale, Monsieur Minc semble avoir complètement oublié ces principes de solidarité, pour autant qu’il y ait jamais souscrit. Mais le pire, c’est cette référence à l’âge. En somme, au-delà d’un certain âge, un assuré ne verrait plus ses dépenses de santé supportées par la collectivité. Bien sûr, ce conseiller avisé n’a pas tenu le langage que je lui prête ici mais enfin : à cent deux ans, on a assez vécu. Si on veut tenter de prolonger son existence, on n’a qu’à le faire à ses frais. L’ennui, c’est qu’il faudrait définir l’âge limite à partir duquel on prive un citoyen de sa prise en charge par la Sécurité sociale.

Dans la perspective humaine et sensible de Monsieur Minc, pourquoi ne pas choisir l’âge du départ à la retraite ? Les retraités, voilà des gens qui ne produisent plus rien, qui se goinfrent de pensions, que d’économies en perspective ! Ou mieux : j’ai lu une fois que, 90/% des dépenses de santé d’un individu étaient effectués au cours de la dernière année de sa vie. Regardant le monde avec les yeux si compatissants de M. Minc, je suggère d’essayer de prévoir l’heure de la mort de chacun et de réaliser de substantiels allègements de charge en l’aidant à devancer l’appel d’un an, supprimant ainsi cette si coûteuse dernière année.