Pitch : New York, fin des années 80. Bobby est le jeune patron d'une boite de nuit branchée appartenant aux Russes. Avec l'explosion du trafic de drogue, la mafia russe étend son influence sur le monde de la nuit. Pour continuer son ascension, Bobby doit cacher ses liens avec sa famille. Seule sa petite amie, Amada est au courant : son frère, Joseph, et son père, Burt, sont des membres éminents de la police new-yorkaise... Chaque jour, l'affrontement entre la mafia russe et la police est de plus en plus violent, et face aux menaces qui pèsent contre sa famille Bobby va devoir choisir son camp...
C'est à se demander pourquoi les meilleurs films de l'année se bousculent au portillon des sorties depuis septembre ?
Lorsque l'on voit l'accueil réservé au film lors de sa présentation au dernier festival de Cannes il y a de quoi sourire mais également s'énerver : sifflets, huées... autant de très bons signes (film hué = film phénoménal) qu'une manière de se dire que les intellectuels du métier ne comprennent malheureusement rien au vrai et grand cinéma. Le troisième film de James Gray est d'une puissance narrative et émotionnelle d'une rareté jubilatoire. Partant d'un scénario aussi classique que linéaire, Gray n'a rien inventé mais son témoignage est tellement sincère et maîtrisé qu'il accouche d'un film bouleversant.
Sorte de grande tragédie antique matiné de polar bien noir et corsé, La nuit nous appartient renvoie aux codes des films des années 70's mélangés à un soupçon d'empire romain... un mix élaboré aux résonnances bibliques situé entre Les Infiltrés, The Yards, L'impasse et la crème des polars seventies. Evoluant dans un univers de grisaille, très froid, aussi sale que peu reluisant, le film de James Gray carbure au brut de décroffrage sur le fil entre deux mondes : le bien et le mal.
L'une des grandes qualités du film est de servir un parcours initiatique aussi violent et cruel que rédempteur à contre courant des morales. Plus le film avance, plus l'intrigue se resserre, le tout sombre dans le chaos... avant de revenir vers la lumière. Du moins "semble" car à gratter sous les apparences, le discours final et la "morale" laissent pointer un sentiment bien mitigé du sens de la "justice" et nous offrent un sentiment aussi amer que ce que ressent le personnage concerné (dont nous taierons le nom pour préserver le suspense bien entendu).
Au fur et à mesure que l'histoire se déroule, l'aspect sauvage du long métrage et de l'ambiance permet de laisser planer "la peur". Cette frayeur envers le spectateur de voir disparaître à tout moment l'un des héros. Le climat n'est jamais sûr et la fébrilité des sentiments va de pair avec celle des vies mises en jeu.
Polar glauque, malsain et tendu comme un arc, La nuit nous appartient multiplie sur une trame "classique" les moments épiques : la force des relations humaines, la puissance de l'intrigue, les tensions planant dans une ambiance électrique comme un orage menaçant, les nombreux faces à faces bouillonnants qui claquent comme des baffes et qui effraient, les dialogues servis sur un plateau, l'enchaînement de situations frénétiques qui se dramatisent au fur et à mesure, les quelques rares scènes d'action qui étouffent sec...
Réalisé et monté comme un chef d'oeuvre qui le mérite, La nuit nous appartient innove dans la simplicité pour finalement offrir de très grands moments. Enumérer les scènes clés et les grands moments déjà cultes seraient une perte de temps mais nous citerons en vrac la scène d'introduction éblouissante de violence, de passion et de désir, la scène du laboratoire, l'ensemble des têtes à têtes Joaquin Phoenix / Robert Duvall, la course poursuite en voitures filmée en gros plan d'une redoutable simplicité, la scène de la ruelle tout en champ et contre champ d'ombres et bien entendu le final titanesque de maîtrise.
Si la B.O résonne comme un vrai bonheur, que la réalisation est d'un virtuose peu commun, que le sérieux de l'ensemble vient titiller les morales, que la profondeur apportée à chaque détails renvoie aux sommets des Frankenheimer, DePalma, Scorsese, Mann ou bien encore Friedkin c'est au casting que l'on tire bien entendu le chapau final. Si Mark Wahlberg assure en grand frère droit, honnête et rongé par l'arrivisme tandis que Robert Duvall est impressionnant en père de famille, vieux briscart protecteur déguisé en vieux loup solitaire, ce sont Joaquin Phoenix et Eva Mendes qui se taillent la part du lion.
La belle actrice joue de ses charmes comme jamais, elle devient pour la première fois une actrice avec une âme dans un rôle de femme désespérée et rongée par la solitude. Bouleversante sans trop en faire, il semblerait que Gray soit le premier à déceler un potentiel dramatique derrière la plastique irréprochable de la bomba latina. Quant à Joaquin Phoenix, il est monstrueusement impérial.
Sorte d'ourson timide bouffé par l'excellence de son frère et de tigre sauvage prêt à attaquer, l'acteur déploit un panel riche en émotions (à voir uniquement en V.O) allant du gamin touchant et blessé à la brute incontrôlable rongé par un sentiment d'amertume. Sa destinée aussi dramatique que poignante force le respect et déroule le tapis rouge à celui qui porte littéralement le film sur ses épaules.
Du vieux cinéma recyclé, agrémenté de sang neuf et d'une vision complètement nouvelle sur le milieu de la police et des gangsters.
Un très grand film troublant, poignant, sincère, violent, réaliste, sans concession qui culmine au summum du genre. Une réussite totale et impériale qui fait très mal surtout pour un film s'ouvrant sur une scène d'un érotisme brûlant et se finissant sur un percutant "i love you too".
Après Zodiac, L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford et Dans la vallée d'Elah, le quatrième meilleur film de l'année vient d'arriver.
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Pourquoi y aller ?
Pour le casting phénoménal. Pour le scénario dantesque et virtuose. Pour l'ambiance lourde et le suspense d'un scénario en or massif. Pour la scène d'introduction. Pour les faces à faces déments. Pour la scène du laboratoire, la poursuite en voitures et l'affrontement final brut et sans détour.
Ce qui peut freiner ?
Une perfection donc rien ou si peu...