Editions Actes Sud, 2010
Je continue de découvrir l'oeuvre très originale de Denis Lachaud. Dans son dernier opus, contrairement aux autres romans, il fait parler des adultes et non plus des adolescents. Des adultes meurtris mais l'histoire est racontée de telle manière que nous avons l'impression d'être dans un conte.
Deux êtres un peu perdus, à l'aube de la quarantaine. Des ruptures, la solitude. L'un se réfugie dans le théâtre et l'écriture, l'autre dans un blog. L'un est anglais, l'autre français. leur destin vont se croiser : ils seront les deux seuls survivants d'un crash d'avion en pleine jungle.
Secourus et rapatriés dans leurs deux pays respectifs, l'un (l'une) n'aura qu'un seul désir : retrouver son alter ego, son Cary Grant, son homme silencieux...
Une belle histoire d'amour racontée sous forme de conte où rôdent constamment la mort et la solitude. Une atmosphère très particulière, une communication qui se passe des mots. Car tout est dans le ressenti, dans le silence d'avant les mots. D'autant plus que les deux personnages ne partagent pas la même langue...
Emmanuel et Lindsay ne se sont pas parlés ; Ils se sont juste secourus, touchés, regardés. Lindsay se souvient d'une carrure, d'une silhouette. Quand ils se retrouveront, ils se frôleront avant de se parler et de connaître.
Une belle parabole sur la toute puissance du silence et de l'écriture. Car si les mots ont du mal à venir, surtout dans le dialogue et la rencontre avec l'autre, ils existent à l'intérieur de l'être. Lindsay les profère par l'intermédiaire du théâtre, Emmanuel par son blog poétique.
Mais il s'agit de se diriger, de s'ouvrir progressivement à l'autre sans le blesser ou le trahir. Se révéler par les mots pour aimer, tout en gardant son individualité.
Des personnages très attachants, qui gardent tout leur mystère. Comme d'habitude, Lachaud joue sur l'ambiguïté des sexes ; tous les noms peuvent être masculins ou féminins, qui nous dit que Lindsay est une femme ? Les personnages sont avant tout des silhouettes fantomatiques qui dévoilent peu à peu leurs secrets, leurs passés.
A nous d'interpréter, de faire notre proche chemin... Car avant de se parler entre eux, les protagonistes se parlent à eux-mêmes, par des écrits et donc indirectement au lecteur.