Frankia est une saga en trois tomes que Mnémos a eu la curieuse idée de publier en l’espace de quelques mois. Remarquez : personne ne trouvera à s’en plaindre. Quand d’ordinaire il nous faut en moyenne patienter un an entre deux épisodes d’une série… L’audace de l’éditeur et de l’auteur, Jean-Luc Marcastel, aura-t-elle payé ? Je ne saurais dire. D’un côté, c’est une grosse prise de risque : sans avoir de réels retours sur les ventes du T1, proposer le T2, c’est gonflé. D’un autre, cela permet au lectorat d’avoir bien en tête l’histoire à l’amorce des lectures suivantes. Mais la saga Frankia vaut-elle le détour ?
J’aurai tendance à répondre “oui” à cette question.
Tout d’abord pour l’énorme potentiel d’originalité de l’auteur. Certes, le scénario n’affiche pas de révolution : on est en présence, au départ, d’un jeune homme orphelin, ignorant tout de ces dons. Certes, on décline l’histoire sur le thème de l’élu, entouré par des amis bénéficiant chacun d’une compétence (magicien, guerrier, savant, etc..) : cet élu devra remettre de l’ordre dans plusieurs mondes/sociétés, sauver des vies, être héroïque et modeste, etc etc…
Qu’à cela ne tienne !
Loïren, notre jeune élu, vit dans la France profonde… Pardon, la Frankia du Sud, celle-là même qui se trouve plus ou moins “libre” sous le régime de Vichy. Parce que voyez-vous, nous sommes en pleine seconde guerre mondiale. La Teutonia a déjà annexé Tchékia et Polska et à franchi le Rhin sans encombre pour mettre Frankia à genoux. Le maître de Teutonia s’est allié à de sombres alliés et il a recourt à la technomancie pour donner vie à des armes atroces : mécanovouivres, arachnopanzers, etc…
Près de chez Loïren, dans le Centre, débarque, pourchassée, une princesse elfe. Elle est la dernière à pouvoir se dresser devant la toute-puissance du teutonien VonDrakho. Faut-il encore qu’elle reste en vie. Les sbires de la milice sont à ses trousses. Loïren fonce. Mais pas seul : son frère orc, Morkhaï, va l’aider à escorter la princesse Faëllia, quel qu’en soit le prix. Or celui-ci sera élevé.
Nul doute que pour écrire ce livre, l’auteur s’est lourdement documenté sur la période de l’occupation nazie. Sa description des rouages de l’invasion, du mode de vie dans les campagnes occupées et des sociétés de cet époque sont évocatrices et sonnent “justes”. Ensuite, Jean-Luc Marcastel apporte sa vision “fantasy”. La magie coexiste avec des inventions Steampunk, alors que l’uchronie est au rendez-vous. C’est beau, c’est original… et c’est bien écrit.
Disons, globalement.
Puisque le récit est addictif et le style franchement inhabituel, je suis resté scotché au bouquin. Mais pas sans grincer des dents de temps à autres. D’accord, les sentiments de Loïren pour Faëllia servent de fil rouge. Ok, Morkhaï grandit aussi en se basant sur ses propres émotions, échos des enseignements de son honorable père. Mais quand même…. faut-il à ce point insister sur tout cela lors d’innombrables passages ? Cela, à mon sens, casse le rythme et nuit à l’histoire. A la violence contenue dans certaines descriptions, sous-entendue parfois, peut-être par pudeur pour les plus jeunes lecteurs, le contraste est irritant avec ce débordement limite larmoyant de trop bons “sentiments”.
Un p’tit côté boy-scout un rien irritant.
Ensuite, et j’en terminerai là-dessus, il y a le niveau de langage choisi par l’auteur. Je lui tire mon chapeau : c’est très inhabituel d’user d’un vocabulaire aussi choisi, aussi soutenu, dans ce genre de récit. Je ne saurais dire si cela est un plus ou pas. Parfois, c’est énervant : je souhaitais plus de punch. Mais la plupart du temps…. c’est tout simplement génial !
Un dernier point : le cahier d’illustrations imprimé en fin de roman. Des dessins de l’auteur lui-même si j’ai bien vu : c’est excellent. Je lui envie son coup de crayon : ça m’aiderait bien !
Un lien vers le site de l’éditeur : catalogue Mnémos.