Editorial de Daniel RIOT pour RELATIO: Poutine n’a-t-il obtenu qu’une « victoire à la Pyrrhus », une de ces victoires qui se soldent chez le vainqueur par plus de victimes et de dégâts que chez les vaincus ?
D’abord, le plébiscite annoncé n’est pas arrivé. Le score final est lourd, mais nous sommes loin des triomphes électoraux où les 100% effleurés sentent bon l’unanimisme obligatoire et un mimétisme de masse totalitaire.
Ensuite, même les plus indulgents des observateurs européens sont obligés de dénoncer ce qu’ils ont pu constater : un « manque d’équité », pour les joueurs de litotes polis du Conseil de l’Europe, des « irrégularités flagrantes » pour les plus francs du même groupe d’observateurs européens, des fraudes inadmissibles pour tous les opposants à Poutine. La propagande médiatique, les pressions en tous genres, la répression…préventive n’ont pas suffi : les vieilles pratiques des bourrages d’urnes ont été remises à la mode…y compris devant les caméras des téléphones portables !
Résultat : le Maître de toutes les Russies continue à tenir d’une main de fer un pouvoir légal, mais sans légitimité démocratique et sans crédibilité « européenne ». Dans l’embarras, le Conseil de l’Europe dont la Russie fait partie ! Dans la gêne, les gouvernements dits « occidentaux », comme on dit encore, en dépit de la chute du Mur et des manques de précisions de la définition du mot « Occident » !
Berlin est la capitale la plus nette dans ses condamnations de principes. Paris est la plus ambiguë (pas de « rupture » en l’occurrence !).
Mais ces « réprimandes » européennes et américaines n’ont aucune espèce d’importance : Le maître du Kremlin tient l’Europe au gaz comme les missiles de la guerre froide la prenaient à la gorge ! Réalisme d’abord. Rien de nouveau en la matière. Le Droits aux affaires (y compris les plus louches) avant les droits de l’homme : « On ne pisse pas contre le vent », redirait De Gaulle. Et la Russie est un grand peuple avec lequel et pour lequel il convient de ménager l’avenir. Ainsi soit-il…
Cela dit, Poutine a raison sur un point. Sa peur d’une révolution (« orange » ou pas) est fondée, et sa grande faiblesse est interne, malgré la puissance policière et médiatique qui veille sur lui et les siens. Il doit se méfier de tous, y compris de ses "amis" proches.
Selon Plutarque, Pyrrhus avait la lucidité de dire : « Encore une victoire comme celle-là, et nous sommes définitivement défaits »…
Daniel RIOT