Juste avant de se retrouver à Bruxelles avec leurs collègues européens, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont publié un courrier commun aux deux "chefs" de l'exécutif européens, José-Manuel Barroso et Herman Van Rompuy.
Ce courrier s'adresse en fait aux traders et aux agences de notation. Il s'agit de rassurer les marchés, de leur promettre que tout est fait pour redresser les comptes publics. En Grèce, le gouvernement a promis et fait voter des hausses de la TVA à 23%, de 10% des taxes sur l'alcool, les cigarettes et de l'essence ; la réduction des salaires des fonctionnaires et des pensions de retraite; l'allongement de la durée de cotisations à 40 annuités contre 37 d'ici 2015, le recul de cinq ans de l'âge légal de départ en retraite pour les femmes, et, plus généralement, la diminution des investissements publics et des dépenses de l'Etat.
Mais la crise grecque, devenue européenne, pose d'autres questions.
1. En France, le gouvernement Fillon pédale depuis jeudi : il veut rassurer les mêmes marchés, sans inquiéter l'électorat. La France a promis à Bruxelles un programme de stabilité qui prévoit une augmentation des prélèvements obligatoires de 2 points de PIB d'ici 2013, soit 40 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Aux détriments de qui ?
2. La France a aussi promis à Bruxelles de réduire ses dépenses de 50 milliards d'euros, afin de ramener son déficit vers les 3% du PIB en 2013. Aux détriments de qui ?
3. Les niches fiscales seront globalement épargnées: le programme de stabilité transmis en janvier 2010 pour la période 2010-2013, ne prévoyait qu'un effort très modeste (cf. page 24): «la programmation retient l’hypothèse d’une réduction du coût des niches fiscales et sociales à partir de 2011 à hauteur de 2 Md€ par an (sur un total d’environ 70Md€ pour les seules niches fiscales).» Crise oblige, Christine Lagarde a porté cet effort à 5 milliards d'euros cette semaine. 5 milliards versus 50 milliards à trouver...
4. Les banques françaises sont exposées au risque grec. Elles avaient 53 milliards d'euros engagés en Grèce au 31 décembre 2009, si l'on additionne dettes publiques et dettes privées. En cas de pépin, qui va payer ?
5. Le gouvernement français aurait exigé du premier ministre grec que la Grèce continue de payer les échéances des contrats de livraisons d'armes françaises. Daniel Cohn-Bendit explique : « J’ai rencontré M. Papandréou la semaine dernière. J’étais à Athènes. Je le connais depuis longtemps » (...) « Ils les a rencontrés. M. Fillon et M. Sarkozy ont dit à M. Papandréou : “Nous allons lever des sommes pour vous aider, mais vous devez continuer à payer les contrats d’armement qu’on a avec vous, signés par le gouvernement Caramanlis+” (...). Depuis ces trois mois, il y a eu plusieurs milliards de contrats d’armement qu’on a obligé la Grèce à confirmer. Des frégates françaises - 2,5 milliards - que doivent acheter les Grecs; il y a des hélicoptères, il y a des avions, il y a des sous-marins allemands ». La nausée nous guette.