La Grèce, victime des illusions de l'euro

Publié le 09 mai 2010 par Copeau @Contrepoints

Le drame économique et financier, et bientôt politique, que vit aujourd'hui la Grèce était tellement prévisible, et prévu par de bons esprits, que les larmes de crocodile qui sont versées aujourd'hui au chevet du malade de l'Europe prêteraient à sourire si le drame ne risquait de tourner à la tragédie non seulement pour la Grèce, mais aussi pour toute l'Europe

Pourquoi était-il prévisible ? Parce que la construction de l'euro souffre d'un vice que l'on a voulu cacher bien qu'il ne fut que trop évident.

En effet, il n'y a aucune raison pour que les pays de la zone euro soient en phase du point de vue de la conjoncture.

Dans un espace monétaire unique comme celui constitué par les Etats-Unis, les divergences conjoncturelles d'Etat à Etat sont compensées à la fois par des mouvements de main d'œuvre, les salaires étant en outre beaucoup plus flexibles qu'en Europe, des transferts de capitaux et des versements budgétaires. Sur le Vieux Continent, on ne peut s'attendre à rien de tel. Les capitaux et surtout les hommes circulent beaucoup moins librement, entravés qu'ils sont par toutes sortes de rigidités réglementaires, traditionnelles ou institutionnelles. Autrement dit, une politique monétaire unique impliquée par la monnaie unique engendre des poches de chômage importantes dans les pays défavorisés par telle phase de la conjoncture.

Une possibilité de résoudre ce problème serait des transferts budgétaires importants vers les pays ou les régions en crise. Rappelons qu'au niveau européen c'est par de tels transferts qu'ont pu être accueillis dans l'Union européenne des pays à fort surplus de main d'œuvre comme l'Espagne et le Portugal. En Allemagne l'unification monétaire consécutive à l'unification politique de 1990 s'est elle aussi traduite par de gigantesques transferts de l'Allemagne de l'Ouest à l'ex-RDA. Or l'Europe n'est absolument pas prête à organiser de tels transferts, même au nom de la solidarité, l'heure étant plutôt au contraire à leur diminution.

D'autre part, qui dit monnaie unique, dit taux d'intérêt unique. Le résultat a été qu'en Grèce même des taux d'intérêt ont été pratiqués qui étaient inférieurs à ce qu'ils auraient du être si la Grèce n'avait pas adhéré à l'euro, et par conséquent des investissements ont été financés qui n'auraient pas dû l'être. De même sur le plan extérieur, l'Etat grec ou des entreprises grecques ont pu emprunter à des taux plus bas qu'ils n'auraient dû être, avec les mêmes conséquences de sur-investissement – jusqu'à ce que les taux se relèvement brutalement.

En France il est bon ton de dauber l' « égoïsme » d'une Allemagne qui serait trop vertueuse et dont les excédents commerciaux ne seraient soutenables que par les déficits de ses partenaires. Notre ministre de l'Economie a eu la faiblesse de reprendre ce vieux refrain des années 1970. Mais la chancelière allemande voit un peu plus loin que la Grèce, un peu plus loin même que ses propres intérêts électoraux. Elle sait, comme toute personne un peu informée, que l'Espagne et le Portugal sont à peu près dans la même situation que la Grèce, et que ce qui serait fait pour cette dernière ne pourrait pas être refait pour la péninsule hispanique. Elle n'ignore pas non plus les interdits que lui impose la constitution de l'Allemagne fédérale.

Par conséquent, la seule solution est que la Grèce sorte de l'euro le plus vite possible et dévalue franchement sa monnaie, de manière à revenir à la réalité de son économie et de ses finances.