Onfray versus Freud, de l'ego des surfaces à ses profondeurs

Publié le 09 mai 2010 par Jcgrellety
Qui ne le sait ? Avec ou sans plan "comm", le dernier opus de Michel Onfray, reprenant en le singularisant un titre de Nietzsche, entend en finir avec Freud, la psychanalyse. Quand il en écrit, Onfray fait dans le manichéisme. Quand il est en plateau, le mondain en revient à des manières plus courtoises (cf. la dernière émission de F.O. Giesbert sur France 2, du vendredi soir). Tout serait charlatanisme dans la psychanalyse. Est-ce qu'Onfray est en cela nietzschéen ? Comme s'il s'agissait de se passer d'arguments sérieux. Dans la vie, il y a les commentateurs perpétuels des faits, des actions, des idées, des autres, et il y a les créateurs. Quoiqu'en pense de lui et de son oeuvre, Freud a crée et incarné la psychanalyse. Et il suffit de replacer cette création dans son époque pour en mesurer les audaces. Certes, à la différence des fanatiques de la psychanalyse, il est tout à fait possible d'envisager une analyse critique de celle-ci, mais certainement pas à la manière d'Onfray qui prend des raccourcis faciles, comme le fait que la psychanalyse soit réductible à l'illustration de la vie même de Freud. Dans une époque dominée par des grandes bourgeoisies européennes hypocrites (celle de l'oeuvre de Proust) et par l'autorité alors autrement plus déterminante de l'Eglise catholique et des organisations religieuses en Europe, Freud annonce théoriquement ce que les artistes et les hommes de lettres proclament depuis des décennies : l'identité sexuelle de l'être humain est fondamentale, et ses comportements s'expliquent largement par cette détermination sexuelle. Et alors que l'Eglise du "Dieu est mort" est en train de s'engager dans la voie de sa décadence, toujours en cours et fatale, Freud propose aux ex-chrétiens d'Europe de prendre le relais de l'Eglise dans le registre de la confession. Il s'agit de se raconter à un tiers qui écoute et qui NE JUGE PAS, et qui, éventuellement, puisse répondre pour suggérer des perspectives de compréhension, de "soin". Car il y a des sujets souffrants. Pour Onfray, les souffrances psychologiques semblent inexistantes, et la psychanalyse serait hautement narcissique, puisque le "patient" ne parle que de lui - et de qui d'autre ? ! Il est vrai que l'ego de Michel Onfray est beaucoup plus modeste..., en témoigne sa pratique d'animation de l'Université Populaire où le professeur professe, et une fois son discours terminé, s'en va, et ne répond pas à quelques questions des manants qui viennent religieusement l'écouter (à l'instar de ce qui se pratique dans l'Université). Lorsque Onfray fait de l'inceste une obsession propre à Freud, il oublie les faits, pourtant remarquablement illustrés et "expliqués" par la tragédie grecque (Sophocle) et par "la philosophie" (les Dialogues platoniciens). La préférence familiale, clanique, de l'auto-reproduction, est universellement connue et universellement connue comme le plus grand danger pour la construction de la civilisation humaine, puisqu'elle nie précisément les autres. La critique d'Onfray se fait donc avec une psychologie très faible alors qu'il attaque une psychologie construite depuis un siècle sur des principes, même interprétés, forts. Elle lui assure des ventes, un point c'est tout. Il faut saluer l'expert en livres commerciaux. Pour le reste...