Cette année, les organisateurs ont eu la bone idée cette année d’installer les stylistes à l’intérieur de la villa, chacun occupant une pièce qu’il pouvait aménager à sa guise et ainsi nous faire entrer dans son univers de manière plus complète.
Chaque année on joue à comparer nos pronostics, hésitants entre le choix du cœur (« j’aime/j’aime pas ») et un choix plus « raisonné », argumenté. Une chose ne change pas cependant c’est le désir de nouveauté, d’idées et de propositions fraîches.
Point de Maxime Simoens, de Matthew Cunnington ou de Jean-Paul Lespagnard cette année pour éveiller ma curiosité…
Du point de vue esthétique, la collection d’Alexandra Verschueren (grand prix du jury), se situe aux antipodes des créations de la syliste mongole Tsolmandakh Munkhuu (prix du public). Le vêtement créé par ses soins ou empruntés à sa mère pour être recopiés ont des lignes pures, complexifié ensuite par un impressionnant travail de pliage/repassage/découpage pour un rendu origami. Des vêtements basic on the outside comme le dit la créatrice mais qui révèlent leur « trésor » une fois ouvert. Appliquant ainsi, ce vieux principe cher au luxe « aussi beau à l’intérieur (voire plus dans son cas) qu’à l’extérieur ».
Alexandra Verschueren
Manteau, d’Alexandra Verschueren
Chemise-origami, d’Alexandra Verschueren
Chemise-origami imprimée « traces de feutre », d’Alexandra Verschueren
Plus que sa collection, j’ai adoré aimé les accessoires de Tsolmandakh Munkhuu et j’ai été impressionné par ses effets matières. Ses vêtements inspirés des moines bouddhistes sont denses, s’inspirant des filtres à air de voitures (!) pour certaines pièces, voire de pièces de plomberie, l’ensemble flirte avec un style gothico-baroque qui a fait l’unanimité parmi le public du festival.
Tsolmandakh Munkhuu
Les sources d’inspirations (filtre à air de voiture, bielle…), les cahiers de recherches et les effets de matières réalisés par la styliste Tsolmandakh Munkhuu
Une de ses réalisations
Des dizaines de mètres de tissus nécessaires pour réaliser une parementure plissée chez la styliste mongol aux deux semaines nécessaires pour réaliser une chemise-origami chez la styliste belge, les lauréates se rejoignent dans ce travail d’une minutie extrême.
Mon coup de cœur fut pour le jeune styliste anglais Jasper Sinchai Chadprajong. Ses histoires sur le temps de l’amour, son humour et son univers tout en illusion (il a réalisé des trompe l’œil en denim et en maille assez bluffants) m’ont interpellé. Bien maitrisés l’humour, la dérision, l’illusion sont à même d’apporter un souffle nouveau à toute démarche créative non? En tout cas ces jours-ci on en manque cruellement. Je n’ai, par contre, pas ressenti le même passion pour ses vêtements, entre l’idée et la réalisation quelque chose s’est perdu en chemin.
Autre collection sur le temps chez la danoise Nada Van Dalen. Elle retranscrit en vêtement une année difficile qu’elle à passé à Berlin. Un style très DIY, très punk et very angry. Ruban adhésif de bricolage (pour panser les blessures…) et coton se côtoient. Certains vêtements et accessoires sont « bariolés » par des traces de feutres. Collection et installation assez impactante mais somme toute assez éphémère…
J’ai aimé le travail réalisé par Yiqing Yin, son installation très « art moderne » et les volumes anatomiques de ses vêtements littéralement moulés sur le corps ont beaucoup ému. Mais en sortant je ne pouvais me départir de cette impression de déjà vu et revu.
Résumé en vidéo ci-dessous (featuring un cours d’origami par la lauréate)
Beaucoup de tissus bouleversés à la main (chez Yiqing Yin, Alexandra Verschueren, Tsolmandakh Munkhuu), des imprimés régressifs et bruts fait de traces de feutre et de crayon (chez Alexandra Verschueren, Nada Van Dalen), des références « ethniques » (l’Afrique, la Mongolie, l’Inde) et des rencontres de cultures (Madame Grès en Afrique chez Nora Berger et Kathrin Lugbauer ou encore l’Europe Centrale qui rencontre l’Espagne chez Isabel Mastache Martinez), l’utilisation du Tylvek (le « tissu papier ») chez deux créateurs.
Tout cela donne l’impression que ces créations prônent un retour à un certain essentiel (basic comme le dit la lauréate), voire roots (ce qui n’exclu en rien des rendus sophistiqués). En accord avec l’installation très nature de Jean-Paul Lespagnard?
« Dig on for victory », installation de Jean-Paul Lespagnard et Ethan Hayes-Chute
Le plus important et la leçon que l’on peut tirer (si jamais il y en avait une) viennent des propos de Dries Van Noten. Il explique que le choix du jury se porte avant tout sur le potentiel d’un créateur, sa capacité (supposée) à concevoir plus tard des collections originales et non sur l’effet immédiat (éphémère ?) que celui-ci pourrait provoquer lors d’une manifestation comme celle-ci.
De la projection, de l’anticipation, le recherche d’une vision, une attitude raisonnée, bref beaucoup de sagesse. On en attendait pas moins du président de ce jury.
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