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Sarkozy, trois bougies, youpi.

Publié le 09 mai 2010 par H16

C’est dimanche, et un petit billet de bilan s’impose après une semaine de rebondissements politico-boursiers palpitants dans lesquels on a découvert, marée basse aidant, que Sarkozy et une bonne partie des chefs d’états et de gouvernements de l’Union Européenne se baladaient à poil (et il n’y aura pas de distribution gratuite de calbutes). L’éminent blogueur Juan de Sarkofrance a lancé une chaîne blogosphérique intéressante à l’occasion des trois bougies de la présidence Sarkozy. Il y pose deux questions : quelles sont les trois principales réussites et quels sont les trois principaux échecs de Nicolas Sarkozy ?

Au départ, il m’a convié à ne répondre qu’à la deuxième question (les échecs). Mais la première est au moins aussi intéressante. Je répondrai donc aux deux.

Quelles sont les trois principales réussites de Nicolas Sarkozy ?

Toujours à l'affût d'un coup fourré

1. Tout d’abord et sans grande originalité, on peut clairement distinguer une véritable maestria dans l’art consommé du Président à amener enfin le discours politique au niveau du peuple. Jamais, dans l’histoire de la France, un chef d’Etat n’aura réussi à être aussi proche du peuple au point de permettre à ce dernier d’en savoir plus sur son dirigeant au travers des tabloïds que de la presse traditionnelle.

Mieux : en abaissant le niveau général de la politique au rang des pipolitudes et des pages glacées sur papier recyclé de Gala ou Voici, Sarkozy aura à tel point désacralisé la fonction présidentielle qu’à présent, n’importe quel Français peut décemment s’imaginer à sa place, sans douter une seconde de ses capacités.

Du point de vue libéral, c’est plutôt une bonne chose : Sarkozy aura définitivement fait voler en éclat l’espèce de vernis d’admiration que les Français peuvent avoir pour leur dirigeant. A présent, tous savent que les gens d’Etat sont, avant tout, des gens comme les autres, humains dans tout ce qu’ils font à commencer par leurs erreurs, leurs petites poussées d’adrénaline ou de colère plus ou moins ridicules.

Et à ce titre, faire descendre de son piédestal la fonction présidentielle permet aussi de bien faire comprendre à tous l’aspect ridicule et chimérique d’un espoir que l’État saura transcender l’humain. L’État, ce n’est que des hommes totalement faillibles, quelconques, moyens, et qui peut donc provoquer, dans la plus parfaite incompétence, des catastrophes inouïes.

2. Cette réussite dans la popularisation du discours politique s’est accompagnée d’un effet tout à fait amusant et intéressant : grâce à Sarkozy, les Français ont commencé à prendre conscience qu’ils n’étaient qu’un peuple parmi les autres, qu’une nation parmi les autres, et que toute l’agitation et les ors de la République ne pourraient nous faire occuper la première place.

Avec ce don inimitable du Toucher de Plastique qui permet à Sarkozy de transformer tout ce qu’il touche en plastique bas de gamme, l’État français est devenue cette vieille dame frivole et légèrement incontinente, parée de bijoux plastiques pour imitation chinoise de Barbie, qui s’invite dans les dîners et raconte des histoires plus ou moins salaces ou du temps de sa grandeur passée, quand elle était danseuse de cabaret.

Pourquoi est-ce une réussite ? Probablement parce que cela va permettre à pas mal de ces Français bercés par l’illusion d’une France lumière du monde de comprendre que notre pays n’est plus ce phare de l’Humanité qu’il n’a d’ailleurs jamais vraiment été, et que le modèle qu’il propose – social, politique ou autre – en vaut bien un autre.

Un peu moins d’arrogance, un peu plus d’humilité, c’est toujours bon à prendre et ça évite les déconvenue quand on est touriste.

3. Enfin, Sarkozy aura réussi une vraie rupture : celle du discours compassé et dans un Français taillé au cordeau. A présent dépoussiéré, la parole politique est maintenant joyeusement remplie de tics de prononciation, de négations à moitié bancales ou, inversement, doublées sauvagement au détour de questions mal bigornées.

On dit que Dieu, ou le Diable, est dans les détails. Avec sa façon de parler, Sarkozy nous en fournit tout un pandémonium dans un package coloré, brillant et kitsch.

En ces périodes agitées de crise et de troubles internationaux, nous avons besoin de ces frétillements joyeux d’une langue populaire et gouailleuse.

Bon.

Ok, je l’admets, ce sont des demis-réussites. On doit bien pouvoir trouver un ou deux trucs que notre Président aura fait correctement. Mais malheureusement, ils sont tellement anecdotiques ou sans conséquence pour le Français de tous les jours que je crains que la liste soit sans intérêt…

Quels sont les trois principaux échecs de Nicolas Sarkozy ?

Sarkofrance m’a rapidement classé de droite (ce qui est une erreur, mais passons). A ce titre, il devait probablement considérer que – comme tous les gens de droite dans la petite caricature de vie politique qu’on rencontre dans l’imagier traditionnel – trouver des échecs dans la politique de Sarkozy me serait compliqué.

Les lecteurs réguliers de ce blog savent qu’en réalité, il suffit de prendre une semaine au pif de n’importe quel mois pour y trouver au moins un billet critiquant l’action de son gouvernement ou la sienne propre.

Il m’aurait donc été simple de trouver trois échecs rigolos à pointer, extrêmement facile de s’attarder sur les décharges de Grenelle, les tentatives Hadopi-toyables sur l’internet, ou les mouvements de menton ridicules sur la sécurité kärcherisable mais toujours au point mort.

Plutôt donc qu’une telle critique, je vais prendre un peu de hauteur.

Ensemble, tout devient possible, même le pire.

Les trois années de Sarkozy passées à l’Élysée peuvent, selon moi, se résumer en trois échecs cuisants et manifestes.

Le premier, c’est clairement l’échec politique.

Le candidat Sarkozy nous avait promis une rupture, du changement, un renouvellement dans la politique. Sur la forme, comme on l’a vu ci-dessus, effectivement, il y a eu du changement. On est passé d’une communication Le Monde à une communication Voici.

Sur le fond, en revanche, c’est la consternation : rien. On retrouve les mêmes ficelles, la même langue de bois, la même absence totale de concrétisation des actions volontaires détaillées lors de la campagne. Tout ce qu’on trouve, ce sont des agitations répétées et pénibles pour des choses qui n’ont pas été demandées ou qui n’apportent rien aux Français, mais sur les grands piliers de sa – déjà lointaine – campagne, on ne constate qu’un vaste désert parsemé des feuilles moisies de discours jamais suivis d’effets quantifiables.

Le second, c’est évidemment l’échec stratégique.

Le quinquennat de Sarkozy s’est rapidement inscrit dans le cadre d’une ouverture à gauche, qui officiellement voulait montrer que le président cherchait des compétences dans tous le spectre politique.

Ce dernier étant, de toutes façons, complètement orienté vers le socialisme (avec différents parfums),les compétences se sont vite révélées toujours les mêmes – purement relationnelles et de réseau – et la manoeuvre réelle est apparu pour ce qu’elle est : une tentative amusante de vider le PS de sa capacité de critique. Diviser pour mieux régner.

C’est un échec.

Certes, le PS est, depuis maintenant 2002, incapable de proposer la moindre idée : fossile encroûté dans les strates d’un marxisme ou d’une lutte des classes complètement has-been, le pauvre parti ressasse les recettes qui firent sa gloire en 1981, sans comprendre que le monde avait continué à tourner sans l’attendre.

Mais il est toujours là. Il n’y a pas eu d’implosion du PS. J’avoue que le Nicolas a failli réussir son pari.

Las. Comme je le disais, le stratège n’était pas si fin : en lançant notamment son débat sur l’Identité Nationale, il a sabordé ses vaisseaux et – encore plus drôle – donné au Front National une nouvelle jeunesse.

Stratégiquement, c’est ce qu’on appelle se faire prendre à revers dans un petit bois sombre.

A présent, la vie politique française est composée d’un PS de bric et de broc, inaudible et en pilote automatique, mais toujours vivant, et d’un FN auquel on a ouvert un boulevard.

La stratégie Sarkozy, c’est un ratage total.

Enfin, le troisième échec est le plus important : il s’agit de son échec économique.

C’est aussi, à mon avis, ce qui sera déterminant pour les deux prochaines années du quinquennat, à tel point que rien n’indique de façon certaine que Nicolas Sarkozy puisse le finir proprement. Il n’est pas, en effet, inenvisageable que tout ceci se termine suffisamment mal pour que son quinquennat soit abrégé en même temps que la Vème.

En effet, depuis que Sarkozy est au pouvoir, la France a littéralement explosé tous ses précédents records en matière d’indicateurs économiques catastrophiques : déficits inouïs, fraude généralisée, ponction fiscale démente, nombre de nouvelles taxes en explosion, dette stratosphérique, taux de chômage en croissance violente, croissance pudiquement négative.

Le quinquennat de Sarkozy aura vu apparaître des communes, des départements, des collectivités territoriales dans le tableau des entités surendettées. Certes, le pauvre gars n’est pas directement responsable de tout ceci. Il subit, dans une certaine mesure, tant les conséquences de l’incurie des gouvernants précédents, que la conjoncture mondiale particulièrement tendue.

Mais absolument rien de ce qu’il fait ou de ce qu’il dit actuellement n’aura permis une quelconque amélioration, même à la marge, de la situation. Sans se forcer, on peut même constater que certaines de ses gesticulations inutiles auront aggravé le problème (dernières en date : l’ensemble des discours et autres déclarations pour contrer les méchants spéculateurs, montrant par là qu’il n’a absolument rien compris aux mécanismes qu’il tripatouillait, avec ce qu’on imaginer comme conséquence).

Ces trois types d’échecs sont, à mon avis, fondamentaux pour expliquer à la fois la catastrophe qui attend la France et la marque de médiocrité lamentable que laissera Sarkozy dans son Histoire.

Tout ceci montre clairement que pour des situations exceptionnelles, il faut des êtres exceptionnels. Avec la présidence de Sarkozy, nous avons les unes sans avoir les autres.

Ce pays est foutu.


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