Que devons-nous faire dans l’Eglise en cas de divergences d’opinion ? C’est une question à laquelle était déjà confrontée la communauté chrétienne d’Antioche au premier siècle, comme saint Luc le relate dans le Livre des Actes. Contrairement à Jérusalem, Antioche était une ville cosmopolite, car située sur la route commerciale qui reliait les cités portuaires de la Palestine à l’Asie Mineure. Au sein d’une population païenne, composée de Grecs et de Romains y vivait une importante communauté juive. La première annonce de l’Evangile y avait suscité des conversions provenant de ces trois groupes : des Juifs, des Grecs et des Romains.
Au fur et à mesure que cette communauté chrétienne prenait de l’importance, un désaccord s’y faisait jour. Parmi les convertis d’origine juive, certains disaient que les païens qui devenaient chrétiens devaient observer la Loi mosaïque – la loi de l’Ancien Testament de la circoncision et les pratiques alimentaires. Mais d’autres étaient d’avis que, puisque le Christ a accompli toutes ces lois en lui-même, il n’était plus nécessaire de les observer. Les dissensions devenaient de plus en plus graves et menaçaient de diviser la communauté.
Le Saint Esprit avait-il commis une erreur ? Etait-il parti en vacances, incapable d’inspirer l’Eglise ? Non. Dieu savait que ce genre de désaccords surgiraient parmi les chrétiens, et il avait institué une structure hiérarchique par laquelle le Saint Esprit pourrait les résoudre. Les chrétiens d’Antioche envoient une délégation à Jérusalem, où Pierre et les autres Apôtres séjournent encore à ce moment-là. Pierre rassemble les Apôtres en une sorte de concile pour savoir comment gérer ce désaccord, et il est décidé que les chrétiens d’origine païenne ne devaient pas être soumis à la Loi de Moïse.
C’est ce que nous relate le passage des Actes de ce jour. Il en ressort que les désaccords sont naturels et inévitables, et que, par sa structure hiérarchique, l’Eglise est bien équipée par Dieu pour les résoudre.
Une humble obéissance à la véritable Eglise du Christ est le signe d’un véritable amour pour le Christ. Cela se vérifie chez tous les saints dans leur manière de réagir dans les controverses qui n’ont pas manqué à chaque époque. Dans le Haut Moyen Âge, une des controverses majeures a été au sujet de l’Eucharistie. Parmi les chrétiens il y avait une proportion importante de convertis d’origine païenne qui avaient conservé des tendances superstitieuses. Ces tendances ont été la cause d’un déséquilibre dans la dévotion eucharistique des catholiques privés d’une bonne catéchèse. Au lieu de voir dans l’Eucharistie la présence sacramentelle et aimante du Christ, ils la considéraient comme une sorte de quimbois. L’Eglise s’est efforcée de corriger cette erreur. Mais certains théologiens on fait de l’excès de zèle, en exagérant en sens contraire, et disant que le Christ est présent dans l’Eucharistie de manière symbolique seulement. L’Eglise s’est efforcée de corriger cette erreur également.
S. Thomas d'Aquin et le Pape Urbain IV
Lorenzo Lotto, 1508
Thomas d’Aquin, l’un des plus grands théologiens de l’Eglise, était plus intelligent et plus instruit que tous les papes de son époque. Et pourtant il a toujours défendu leur enseignement officiel, dans cette controverse, comme en d’autres. Ses dernières paroles en mourant montrent très bien comment une véritable amour du Christ se vérifie dans une humble docilité à l’enseignement du Magistère de l’Eglise du Christ. Voici ce qu’il dit au moment de recevoir la sainte communion pour la dernière fois :
"Je vous reçois, ô salut de mon âme. C'est par amour de vous que j'ai étudié, veillé des nuits entières et
que je me suis épuisé ; c'est vous que j'ai prêché et enseigné. Jamais je n'ai dit un mot contre Vous. Je ne m'attache pas non plus obstinément à mon propre sens ; mais si jamais je me
suis mal exprimé sur ce sacrement, je me soumets au jugement de la sainte Église romaine dans l'obéissance de laquelle je meurs."
Cette autorité pour résoudre les désaccords (le charisme certain de vérité), que le Christ a donnée à son Eglise, est la raison pour laquelle des pasteurs protestants se convertissent au catholicisme aujourd’hui encore.
Parmi les plus connus il y a Marcus Grodi (photo), aux Etats-Unis. Il anime aujourd’hui une émission hebdomadaire sur EWTN, le plus important réseau de télévision catholique au monde. Sa conversion a commencé à l’occasion d’une crise alors qu’il était encore un pasteur presbytérien. (Les Presbytériens sont l’une des plus de 20.000 dénominations chrétiennes issues de la Réforme protestante.) Voici comment il exprime son dilemme :
“Chaque dimanche je me tenais à mon pupitre pour interpreter les Ecritures pour mon assemblée, sachant que dans un rayon de vingt kilometers de mon église, il y avait des douzaines d’autres pasteurs protestants qui tous croyaient que la Bible seule est l’unique autorité pour la doctrine et pour l’action, mais chacun enseignait quelque chose de différent de ce que moi, j’étais en train d’enseigner.
Mon interprétation de l’Ecriture est-elle la bonne, ou pas ? Voilà la question que je me posais. Peut-être un de ces autres pasteurs a-t-il raison, et alors je suis en train d’induire en erreur ces gens qui m’écoutent et me font confiance. Je savais aussi que j’aurais à rendre des comptes non seulement pour mes propres actes, mais pour ma manière de conduire le troupeau qu’il m’avait confié. Suis-je en train d’enseigner la vérité ou l’erreur ? C’est ce que je demandais continuellement au Seigneur. Je pensais être dans la vérité, mais comment pouvais-je en être sûr ?"
C’est comme s’il était dans la communauté d’Antioche, mais contrairement à Paul et Barnabé, il n’avait personne vers qui se tourner pour apaiser ses doutes et ses désaccords. Il était incapable de trouver la paix du cœur, parce que son église n’était pas équipée pour la lui donner. A la longue, Dieu l’a mené, à travers sa crise, vers l’Eglise catholique, l’Eglise que Jésus a équipé d’une autorité garantie par l’Esprit Saint.
Nous autres, nous sommes membres de la même Eglise que celle des chrétiens d’Antioche au premier siècle. Comme eux, et comme les chrétiens de tous les temps, nous avons nos désaccords, même si les sujets sont autres. Jusqu’il y a peu, par exemple, la recherche sur les cellules-souche et la contraception artificielle n’étaient même pas possible. Durant les époques à venir, les sujets seront encore autres, mais l’Eglise sera la même, toujours bien équipée pour résoudre les désaccords.
Si nous cherchons vraiment cette paix du cœur dont Jésus parle dans l’Evangile, sa paix à lui, et non pas celle du monde, si, vraiment, nous voulons faire l’expérience de cette paix, nous le pouvons. Tout ce que nous avons à faire est de nous laisser conduire par l’Esprit Saint. C’est lui que Jésus nous a donné pour nous rappeler tout ce qu’il nous a dit, et pour nous enseigner toute chose.
Et où pouvons-nous trouver le Saint Esprit ? Dans l’instrument qu’il s’est choisi : le Magistère de l’Eglise catholique. Ainsi, au milieu de nos propres difficultés et désaccords, nous devrions toujours faire ce que les chrétiens d’Antioche, saint Thomas d’Aquin, Marcus Grodi et tant d’autres ont toujours fait ou ont fini par faire : s’en référer à Pierre et aux Apôtres, au Pape et aux Evêques en communion avec le Pape. Leur enseignement officiel ne nous conduira jamais dans l’erreur, parce qu’il est garanti par le Christ lui-même. Mais si nous abandonnons cet enseignement pour suivre les modes éphémères et les gourous du moment, nous n’avons aucune garantie.
Nous sommes certains que le Christ vient à nous aujourd’hui dans la Sainte Communion, car c’est ce que l’Eglise nous enseigne. Quand il viendra à vous, renouvelez votre engagement à rester fidèles en étant fidèles à l’Eglise catholique, même en des moments difficiles – comme il y a eu des moments difficiles pour les chrétiens d’Antioche. Alors nous pourrons accueillir la paix que Jésus voudrait tant nous donner.