If I am dead, as dead I well may be
ye'll come and find the place where I am lying
And kneel and say an "Ave" there for me.
Ashes to Ashes nous propose avec ce cinquième épisode un scénario des plus solides, qui exploite pleinement le potentiel inhérent au concept sur lequel se fonde la série. Tandis que l'intrigue se concentre une nouvelle fois sur les confrontations au sein même de la police, en arrière-plan, la mythologie semble s'accélérer, se faisant plus pressante, s'emparant des divergences policières. Reste que si le compte-à-rebours avant le series finale s'accélère avec des épisodes tels que celui-ci, le téléspectateur n'est pas si pressé d'y être : on a envie de savourer encore un petit peu ce show à dimension si humaine.
Incontestablement, il est de plus en plus perceptible que l'on se rapproche de la fin de Ashes to Ashes. Certes, la série continue de progresser prudemment dans son volet mythologique, avec une parcimonie savamment dosée ; mais il flotte indéniablement une atmosphère de retour aux sources, que viennent entretenir les références à Manchester qui se font de plus en plus fréquentes. On les retrouve dans les "rêves" d'Alex (celui qui ouvre l'épisode est d'ailleurs des plus symboliques, Sam n'étant plus simplement un visage sur une photo), mais aussi directement dans les intrigues du commissariat. En effet, ce cinquième épisode voit débarquer, en provenance du nord de l'Angleterre, un duo de policiers, qui ont évolué par le passé sous les ordres de Gene. Ils viennent poursuivre, dans la juridiction du commissariat, une affaire bien trouble.
Le lien avec Manchester se fait donc de plus en plus pressant. Voyant en ces nouveaux venus de potentiels témoins de première main, Alex entreprend d'ailleurs de les interroger sur le passé, ramenant obstinément à la surface la mort de Sam Tyler. Une affaire dont la sensibilité semble toujours plus marquée. Cependant, les propos semi-cryptiques de l'officier qui était sur place, à l'époque, et a pris la photo de la scène de l'accident, ne font qu'accroître la confusion d'Alex, comme celle du téléspectateur.
Tout pointe encore et toujours vers Gene, sans que l'on dispose des éléments nécessaires pour compléter ce compliqué puzzle. L'attitude ambiguë de ce dernier encourage d'ailleurs ces questionnements. En brûlant, sans s'en cacher, les éléments d'enquête rassemblés par Alex, il en appelle explicitement à la confiance aveugle de cette dernière. L'épisode accentue volontairement l'aura de mystère entourant Gene Hunt. Ses non-dits paraissent en effet par moment encore plus pesants que ceux de Keats, donnant l'impression d'assister à une partie d'échecs dont les enjeux réels n'ont pas encore été dévoilés à Alex ou au téléspectateur. C'est peu dire que notre curiosité est éveillée. Les jeux de pouvoirs au sein de la police n'ont jamais autant ressemblé à des métaphores, apparence cachant une vérité s'apparentant au Graal.
En plus de générer une attente toujours plus impatiente, l'intrigue du jour se révèle très plaisante à suivre. L'arrivée des policiers de Manchester est surtout une occasion pour l'équipe de présenter un front uni. C'était devenu plus rare ces derniers temps, où les suspicions des uns, les crises existentielles des autres, avaient fini par quelque peu enrayer la mécanique, tiraillée mais toujours huilée, des premières saisons. Confrontés à la concurrence de deux enquêteurs qui viennent marcher sur leurs plates-bandes et régler des comptes plutôt louches, nos héros réagissent en équipe soudée. Les voir ainsi tous intéragir de façon homogène, offrant des passages de franche complicité d'où se dégage une réelle cohésion, cela fait plaisir à voir. Chacun est à sa place, personne ne sort du lot, et tout ce petit monde remplit pleinement son rôle.
Certes, cela renforce aussi l'impression que le temps est compté. Par certains côtés, cette dimension humaine ainsi mise en avant prend des allures de discret hommage à ces personnages qui ont donné une âme à la série. C'est sans doute cet aspect que je retiendrais en priorité au sein d'une enquête policière qui ne démérite pourtant pas. Loin de là. A l'ingrédient récurrent du policier corrompu, s'ajoute la référence à Manchester... La modernisation des méthodes policières et l'introduction d'un nouveau cadre règlementaire plus rigide demeurent une des thématiques fil rouge de la saison. Comment ne pas mettre en parallèle le sort de l'officier supérieur et ce qui attend Gene si Keats réussit dans la croisade qu'il mène actuellement ?
Ce qui frappe désormais, c'est que la police ne propose plus le cadre manichéen des débuts, où la ligne jaune était perceptible entre ripoux et officiers ayant à coeur un certain intérêt public, la fin justifiant parfois les moyens pour ces derniers. Désormais, au-delà du problème de la corruption, se dégage un mouvement de fond, de remise en cause d'une certaine conception de ce métier. Comme si l'échiquier qui se jouait sous nos yeux avait acquis une nouvelle dimension. C'est d'autant plus intriguant d'assister à cette complexification progressive que tout cela doit être relié d'une façon ou d'une autre à la mythologie même de la série.
D'ailleurs, aussi prudent soit-il, l'épisode nous offre cependant quelques ouvertures mythologiques. Mon attachement aux personnages fait que j'apprécie toujours les associations inhabituelles que les scénaristes peuvent imaginer, permettant de découvrir sous un nouveau jour certains des protagonistes. En l'espèce, l'épisode rapproche Ray et Shaz. Il y a tout d'abord la vision de Ray d'un champ d'étoiles à perte de vue. Troublé, il a eu l'impression, durant un bref moment, qu'il n'y avait plus rien, le néant s'étendant devant lui. Or ces étoiles tracassent Shaz depuis plusieurs épisodes déjà.
Sans que nous en comprenions pour le moment la signification, cette "hallucination" commune n'est pas seulement un indice mythologique ou métaphorique sur la nature de cet univers des années 80, elle souligne également que Shaz et Ray partagent une situation similaire, quel qu'elle soit. Instinctivement, on est porté à voir une réponse possible dans la chanson qu'ils délivrent, ensemble, au gala de police, formant un duo improvisé des plus touchants. La symbolique des paroles du titre y résonnent d'une façon très particulière, offrant matière à spéculer au téléspectateur :
"If I am dead, as dead I well may be
ye'll come and find the place where I am lying
And kneel and say an "Ave" there for me.
And I shall hear, tho' soft you tread above me
And all my grave will warmer, sweeter be
For ye shall bend and tell me that you love me
And I shall sleep in peace until you come to me.
Oh Danny boy, oh Danny boy, I love you so."
Que cela ait un lien avec les visions de policiers morts d'Alex, ou qu'il s'agisse d'une référence plus générale et directe au coeur de la mythologie, c'est en tout cas un élément très concret.
Reste, toujours sur cette voie, que quelques alarmes se sont allumées dans ma tête au cours de l'épisode, notamment lorsque Ray, évoquant sa vision des étoiles, emploie un mot qui fait instinctivement penser, pour ceux qui l'ont vue, à la résolution d'une autre déclinaison de la franchise : la version américaine de Life on Mars. Ashes to Ashes va-t-elle s'orienter dans cette même direction ? Disons honnêtement que j'ai quand même eu beaucoup de mal à admettre la fin proposée par la collègue américaine. Les indices distillés pour le moment n'exclut pas la possibilité d'une telle conclusion, et j'ai un peu peur que ce type de dénouement me déçoive. Certes, je veux des réponses, mais je commence à craindre que la démystification du mystère qui entoure encore la version anglaise ne soit pas à la hauteur des attentes.
Bilan : Un bon épisode de Ashes to Ashes, qui trouve un équilibre convaincant entre enquête du jour et mythologie, distillant des indices en prévision du final à venir et nourrissant efficacement la curiosité du téléspectateur. Plaisant à suivre, doté d'une dimension humaine très bien mise en valeur, il donnerait envie de voir se prolonger un peu plus cette ambiance indéfinissable à laquelle la série parvient par intermittence.
NOTE : 8,5/10