La première salle est consacrée aux fantasmes orientalistes, certes remis au goût du jour, photographie et accessoires luxueux, chatoiement des étoffes et volupté des corps, en droite ligne des peintres du XIXème. Tous les stéréotypes sur l’orient mystérieux et lascif; relire Edward Saïd. Même si cette odalisque (plus tcherkesse qu’arabe, dirait-on) fleure bon les nus vénitiens ou goyesques, elle affiche aussi une modernité provocante et l’attention va autant à ses bijoux et ses étoffes qu’à son corps dissimulé. Dans la même salle de la galerie Martine et Thibault de la Châtre (jusqu’au 19 juin), on peut voir la vidéo du défilé récent de Majida Khattari.
Après cette salle consacrée au fantasme occidental sur la femme orientale, la seconde salle est consacrée aux soixante-dix houris qui attendent tout bon combattant musulman à l’heure de sa mort glorieuse. Soixante-dix poupées vêtues de voiles blancs, de soie et de dentelle; leurs noires chevelures débordent des voiles en tous sens, luxuriantes, désordonnées, érotiques en diable. Ici ou là, un fil d’or apparaît, pointant vers des rondeurs cachées. Certaines ont le teint plus rose, les cheveux plus clairs, captives européennes du harem céleste, fascination inversée de l’Orient pour les femmes occidentales. L’une a un tilak au front.
Deux fascinations pour l’autre, deux fantasmes stéréotypés, deux impasses aussi, deux incapacités à découvrir l’autre, à le respecter.
Photos des houris par l’auteur.