Il est vrai que dans l’ambition de rayonner dans un monde devenu non pas étroit, mais ouvert aux échanges et transferts de produits divers, les arts modernes tiennent le rôle redouté d’être les premiers moyens dont on fait usage pour atteindre un maximum de personnes de l’humanité. Proposer une œuvre à autrui, c’est déjà un acte de créateur et un message avec bien des soubassements plus fraternels que présidés par la paranoïa.
Le cinéma, à la veille du festival de cannes 2010, ainsi que les productions qui lui sont affiliées par le petit écran, reste encore un point d’orgue incontournable pour contourner, sinon faire oublier par son impact divertissant, la crise, qui n’a encore traduit toute son ampleur et sa perspective. Une bifurcation sur la plaisance.
Désormais, les moindres recoins du globe terrestre sont plus accessibles que par le passé, avec une mondialisation et l’apport des nouvelles technologies de communication satellitaires et autres réseaux. L’image, les sons de l’info, les choses artistiques et de distraction se passent, avant toutes autres richesses, des frontières.
Selon l’Unesco et contrairement à l’idée établie, les Américains sont détrônés par les productions indiennes et nigériennes avec leurs deux machines : Bollywood pour la première et Nollywood pour la seconde. Donc à bien regarder la crise, elle dénote que le monde suit un changement qui permet aux pays émergeants d’être présents, du moins pour satisfaire leurs populations, dans des activités qui ne leur étaient pas accessibles.
Le dernier film de Rachid Bouchareb, Algérie : les hors la loi, déjà sujet à polémique
Ces deux ensembles, Bollywood et Nollywood, basés essentiellement sur un partage altruiste des moyens, studios et outils techniques, partent en flèche ascendante dans le domaine de l’audiovisuel. Au-delà de leur « bling bling » ostentatoire, ils avaient leurs auditoires respectifs en attente, et maintenant ils les balisent. Ces nouveaux trusts, comme leurs prédécesseurs, aspirent à disposer de nouveaux marchés et lorgnent plus sur ceux vierges que sur ceux où les normes leurs sont hostiles et les freinent. Déjà en 2006, la production de Bollywood a atteint 1000 films et celle de Nollywood 900 films. De quoi étonner ceux qui n’ont jamais entendu parler de tels résultats. Les Etats-Unis, troisièmes en 2006, étaient depuis toujours talonnés par les Européens et le sont encore en 2009.
La caractéristique première de cette production audiovisuelle nouvelle, d’Inde et du Nigéria, est qu’elle sefait sur des modes radicalement différents de la tradition cinématographique encore maintenue par les autres pays. Les films sont tournés quasi-exclusivement en vidéo (particulièrement pour Nollywood), et sont distribués dans des salles de type « cinéma vidéo ». L'industrie locale trouve ainsi son avancée en réduisant énormément les coûts très lourds liés aux productions cinématographiques habituelles. Les publics locaux sont ainsi contentés et l’activité des salles de projection, bien allégée, trouve son aubaine. Mais ces films sont loin de décrocher une quelconque part du marché mondial.
L’Europe tient le cap : 1 168 films en 2009 (documentaires inclus)
Depuis 1992, un instrument de suivi de l’audiovisuel européen rend d’énormes services à cette culture. Tant pour l’action économique que la promotion des produits de ce secteur, le vieux continent dispose d'une structure qui clarifie comment il faut tenir tête à la gigantesque concentration hollywoodienne et aux nouveaux arrivants sur le marché. Surtout à la première, du fait des énormes échanges dus aux caractéristiques de leurs publics. Il s’agit de « l’Observatoire européen de l’audiovisuel ». Et on se préoccupe plus fortement et d’abord de préserver ses propres circuits de l’agressivité exogène, et naturellement tenter de gagner des parts sur la surface de la Terre.
Comme le montre cette page Web mise en line le 6 mai 2010, les statistiques restent encore non définitives mais se révèlent d’une grande utilité. Il se dégage qu’en 2009, pour les 27 pays qui composent l’union européenne, 28 films ont été produits de plus pour l’année dernière (2009) par rapport celle qui a précédé (2008 déjà record). La progression continue, malgré le scepticisme et la grande dépression de la crise économique multidimensionnelle qui a été signalée dès juin 2008. L’apport de l’Allemagnese traduit par une forte augmentation des films de fiction, passant de 96 en 2008 à 129 en 2009 (+33).
Enfin, en termes d'entrées, les films français restent les plus plébiscités du marché européen, en dépit du fait que leur part de marché soit tombée de 12,1 % en 2008, année qui est marquée par l’extraordinaire succès deBienvenue chez les Ch’tis. Grâce à de forts résultats dans leur propre marché, les films allemands occupent le deuxième rang avec 4,1 %, suivis par les productions britanniques, comptant pour 3,9 % du total des entrées dans l’Union européenne.