Défense et illustration de Miss Univers (3)

Publié le 08 mai 2010 par Zebrain
À l'autre bout, la mort

Il semblerait que les extrêmes de la vie fascinent Joëlle Wintrebert, puisqu'après l'enfance, la vieillesse et la mort sont des thèmes courants chez elle. « Victoire » (1992), qui nous permettra de faire la transition, montre une fillette meurtrière qui se retrouve condamnée à vivre l'existence de la vieille dame qu'elle a assassinée. « L'oeil rouge du coutelier » (1995) voit une enfant victime d'un phénomène d'empathie durant lequel elle partage par la pensée le suicide d'un vieillard.

Ces deux textes, situés au-delà de la lisière du territoire qui nous intéresse, font écho à « Qui sème le temps récolte la tempête » (1977). On a réussi à préserver la jeunesse, mais au prix d'un vieillissement terminal d'une rapidité fulgurante - dont les effets exacts sont cachés à la population : « La détérioration publique est interdite ». Ordalie, qui sent la mort venir, tuera un enfant, puis se suicidera, afin de montrer aux gens ce qu'il advient d'eux lorsqu'ils meurent ; comme Pepe, personnage central de « L'oeil rouge du coutelier » , elle utilisera un couteau. Mais alors que ce dernier texte ressort simplement de la thématique de l'engloutissement que j'évoquais plus haut, « Qui sème le temps... » présente une défaite apparente qui s'avère être une victoire. On retrouvera cette conclusion dans les trois ouvrages « pour adultes » de Miss Wintrebert.

Il est aussi question de vieillissement dans Les Maîtres-Feu (1983) un fort sympathique roman d'aventure qui fut controversé en son temps — sans doute parce qu'il représentait une rupture par rapport aux oeuvres précédentes de son auteur. Planète étrangère, paysages torturés, jungle hostile, autocrate cruel - tous les ingrédients sont réunis, jusqu'au bon/méchant porté sur la bouteille et au savant dont la découverte va bouleverser le monde. Le livre vaut surtout pour ses Oï-tîkî cannibales et immortels, qui n'arrivent pas à comprendre que les Terriens ne se mangent pas entre eux. Et quand on sait que l'on a besoin de ces extraterrestres à l'esprit tordu pour synthétiser une drogue de longévité, on devine les problèmes auxquels vont se heurter les protagonistes de cette histoire frappée du sceau de la bonne humeur, qui préfigure certains aspects de L'Océanide — dont notamment l'attirance entre un « garçon » couvert d'écailles et une adolescente proche de devenir femme. Mais ici, l'acte attendu n'aura pas lieu — ce qui, si ma mémoire est bonne, avait frustré certains lecteurs, à l'époque. Les Maîtres-Feu est vraiment fun et je le conseille vivement à tous ceux qui ne se prennent pas trop au sérieux.

Roland C. Wagner