157ème semaine de Sarkofrance : la rigueur pour les pauvres, version Sarko

Publié le 08 mai 2010 par Juan
Cette 157ème semaine de Sarkofrance fut celle d'un triste anniversaire. Les bougies n'étaient pas là. Tout juste un petit livret d'auto-défense du bilan des 3 ans de Sarkozy à l'Elysée fut-il rapidement envoyé aux médias et aux élus. Crise européenne oblige, Sarkozy promet avec Merkel une plus grande surveillance budgétaire des Etats. Et le collaborateur Fillon a dû avouer quelques mesures de rigueur. Mais qu'on se rassure, en France comme en Europe, ni les riches, ni les traders ne sont concernés.
Insécuritaire jusqu'à l'école
L'inauguration d'une belle frégate militaire, mardi à Lorient, n'a pas agité les foules. La veille, le constructeur Thalès était condamné à 800 millions d'euros d'amende pour une autre affaire de frégates. Quand Sarkozy parlait constructions navales, Borloo s'évertuait à défendre son monument législatif, la loi Grenelle 2.  Ce gros bottin administratif apporte peu de contraintes nouvelles, aucune mesure de financements, aucune interdiction sérieuse. Difficile d'être contre, difficile aussi de défendre la rupture qu'il n'est pas. Le vrai sujet de la semaine devait être la violence scolaire.
Nicolas Sarkozy a reçu les sénateurs (mardi) puis députés (mercredi) de son camp. Après l'échec aux élections régionales, il avait promis de recevoir chaque mois ses parlementaires, histoire de tenir ses troupes jusqu'au scrutin présidentiel de 2012. On a donc appris, grâce à quelques indiscrétions «volontaires», que (1) la réforme des retraites serait votée, pliée, adoptée d'ici le 15 juillet (il reste donc deux petits mois pour «achever» cette «grande» concertation), et (2) que les derniers mois de l'année 2011 seraient intégralement consacrés au combat pour la réélection du Président. Sarkozy a aussi prévenu ses députés: ils vont être contents. Il a une idée «qui va faire parler»: la création d'un fichier des «décrocheurs» de 16 à 18 ans, ces élèves qui quittent le système scolaire sans diplôme, dont le nombre est estimé à 150 000. Pourquoi les ficher ? Voici ce que l'on peut lire dans le compte-rendu du Conseil des ministres de mercredi  : «Il s’agit d’identifier plus tôt ces jeunes pour organiser leur prise en charge sans délai et les réinscrire dans des parcours de formation et d’insertion». En fait, l'Education Nationale a déjà mis en place un fichier pour répertorier ces élèves dans quelques établissements, qui enregistre l'identité et les coordonnées de l'élève, celles de son responsable légal, «des informations sur la scolarité suivie et un compte rendu synthétique d'entretiens menés avec la personne responsable du suivi de l'élève». Le programme est baptisé Suivi de l'orientation (SDO). Luc Chatel en avait annoncé le déploiement en avril dernier. Mercredi, le ministre a également rappelé ses autres mesures : l'individualisation du soutien scolaire, la «mallette des parents» et ... la proposition de loi du député Eric Ciotti visant à suspendre immédiatement les allocations familiales aux parents d'élèves absentéistes, «après un premier avertissement».
Un peu plus tard, devant les inspecteurs d’académie, les préfets, les procureurs généraux et les recteurs, le Monarque a livré toutes ses idées « présidentielles » contre la violence à l’école. Un fatras de propositions démagogiques qui sonnent comme un aveu d’échec de sa lutte contre l'insécurité. Outre ce fichage inutile des décrocheurs, il veut installer des postes de police dans 53 collèges et lycées difficiles: «nous devons être intraitables». Nicolas Sarkozy est doublement responsable de la dégradation de la situation: en supprimant (idéologiquement) des postes à l'Education Nationale, il a affaibli l'encadrement adulte des élèves. Il y a trois mois, il refusait quelques surveillants à un lycée d’île-de-France ! Second échec, la complète libéralisation de la carte scolaire a déstabilisé des milliers d'établissements. Le gouvernement cache le bilan de cette réforme, mise en oeuvre dès septembre 2007. Le premier syndicat des chefs d'établissement a donc fait sa propre enquête auprès de 2 800 lycées et collèges : ceux des ZEP, vidés de leurs bons élèves, ont sombré. Certains ont perdu jusqu'à 40% de leurs élèves et risquent la fermeture. Par ricochet, des milliers d'établissements moyens sont déstabilisés et menacés de ghettoïsation. En novembre dernier, la Cour des Comptes révélait déjà que 186 des 224 établissements classés «ambition réussite» avaient perdu des effectifs.
Trois bougies pour un président reclus
Jeudi, jour anniversaire de l’élection de Sarkozy à la présidence, chacun y est allé de son bilan. L’Elysée a publié un ouvrage de défense du bilan, une opération aux slogans minables pour excuser, sans avouer, les échecs patents de la mandature. Nicolas Sarkozy suit sa nouvelle trajectoire de « re-présidentialisation ». Devant une assistance âgée, Nadine Morano fut la seule à célébrer son Monarque. « J’espère bien qu’il sera candidat en 2012 ». Pourquoi s’inquiète-t-elle ? Mercredi, Nicolas Sarkozy a confirmé aux sénateurs UMP sa pause dès 2011 : « on ne fera que de la politique » dès l’automne.
Un rapide bilan de ses 3 premières années à l’Elysée permet de rappeler tous les défauts de caractères qui n’en font pas un Président : compulsif, incompétent, menteur, cupide, et flemmard, Nicolas Sarkozy doit faire plancher ses communicants pour imposer une nouvelle image. Même Michel Sardou est déçu !
Pour l’instant, Sarkozy a choisi d’éviter les sujets qui l’affaiblissent. La réforme de la procédure pénale « prioritaire » comme d’autres « réformes » voici encore un an, a été jetée aux oubliettes. Sur le fonds, on comprend le Monarque. Cette réforme ne visait qu’un objectif : supprimer le dernier espace d’indépendance de la justice dans l’instruction des enquêtes. Un objectif difficile à assumer politiquement. Et l’affaire du « Karachigate » n’arrange pas la situation. Elle a même sans doute précipité la décision présidentielle. L’étau se resserre. Les soupçons de rétrocommissions pour financer la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995 se font plus tenaces…
Rigueur, vous avez dit rigueur ?
François Fillon a offert un joli cadeau : un programme de (fausse) rigueur pour les 3 ans à venir. «Nous ne voulons pas de la rigueur » s’est écrié Luc Chatel, le porte-parole du gouvernement, vendredi matin sur RTL. Le mot fait peur. François Fillon et Henri Guaino répètent: il n'y a pas de plan de rigueur. Ils ont raison : les riches seront épargnés.
Il faut comprendre les messages, et leurs destinataires.
La France a promis à Bruxelles de réduire son déficit budgétaire de 8,2% du PIB en 2010 (contre 7,9% pour la zone euro), à 6% en 2011, 4,6% en 2012 et 3% en 2013, soit 100 milliards d’euros d’économies en 3 ans ! Avec une croissance économique prévue atone, le chemin sera rude. La situation grecque est un bel épouvantail pour faire passer le message : un Etat sans le sou sous tutelle de Bruxelles et du FMI, des manifestations violentes, une cure d’austérité sans précédent. Qu’importe si les autorités françaises ont fait semblant de découvrir en février dernier que les statistiques grecques étaient truquées. Elles le savaient depuis … 2004. Fillon manœuvre sur un fil : la Grèce illustre qu’un pays de la zone euro peut faire faillite, mais il faut aussi défendre que la situation française n’est pas comparable…
Le gouvernement est dans une impasse : avant la crise, il a accru un peu plus les déficits français, tout en faisant quelques cadeaux fiscaux supplémentaires sur lesquels il ne souhaite pas revenir. La conclusion est évidente : les dépenses sociales et publiques seront réduites. Pour faire bonne figure, Christine Lagarde a promis de « raboter » les niches fiscales pour 5 milliards d’euros. La somme est dérisoire, en comparaison des 140 milliards d’euros de déficit budgétaire et des 1 550 milliards de dette publique. Globalement, le plan de rigueur du gouvernement vise à réduire de 50 milliards d’euros par an les dépenses publiques (sur un budget total de 290 milliards, soit 17%). Qu’avance-t-il ? Le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux ne génère que 500 millions d’euros par an. Fillon espère aussi diminuer de 10% les dépenses « de fonctionnement ». Il gèle également les indexations sur l’inflation (soit 2,5 milliards d’euros par an maximum). Que reste-t-il ? Les aides à l’emploi, les aides sociales ou … une réévaluation de la fiscalité. La rigueur mode sarkozyenne est une nouvelle injustice qui ne dit pas son nom : le gouvernement ne dit pas un mot sur l’imposition du capital et de la rente.
Le scenario anglais
La France en 2012 pourrait bien connaître un scenario politique à l’anglaise : un échec total pour les partis traditionnels, face à un électorat déçu et inquiet. Les électeurs britanniques se sont réveillés vendredi matin sans majorité claire. Le système électoral aidant, aucun des trois partis concurrents n’est parvenu à décrocher la sacro-sainte majorité absolue au Parlement : les électeurs ont sanctionné les travaillistes, évacué les centristes et ne font pas confiance aux conservateurs. Qui dit mieux ? La France pourrait connaître la même situation inédite : la crise a accéléré la précarisation de la société, dans un contexte d’aggravation inédite des inégalités depuis l’aube des années 2000. le paradigme conservateur, qui avait fait florès lors de la campagne de Sarkozy en 2007, est obsolète. Le centre a disparu. L’écologie politique se cherche une organisation plus structurée. Et le logiciel de gauche n’aborde pas suffisamment, pour l’instant, la question des déficits. Alors, quel résultat ?
Le résultat britannique révèle aussi l’échec du mode de scrutin majoritaire à un tour, un autre des projets sarkozyens depuis abandonné : comme l’écrivait Jean-François Kahn, « il déforme tellement l’expression populaire qu’on peut s’interroger sur le caractère démocratique du régime institutionnel qui en découle ».
Rassurer les traders
On croyait la Grèce sauvée, au prix d'une austérité digne de la Grande Dépression. Voici l'euro qui flanche, les Bourses qui dévissent, la confiance des marchés dans la stabilité économique et financière de la zone euro qui s'effondre. Mardi, la rumeur d'une défaillance de l'Espagne a choqué. Jeudi, Nicolas Sarkozy co-signait avec Angela Merkel un courrier à José-Manuel Barroso et Herman Van Rompuy. Cette habitude de de s'écrire publiquement alors qu'on se voit le lendemain fait toujours sourire. Le courrier s'adresse en fait aux marchés financiers et aux agences de notation.
Il faut comprendre les messages, et leurs destinataires.
Sous couvert de «renforcer la gouvernance économique de la zone euro», Sarko et Merkel proposent de renforcer la surveillance budgétaire des Etats, le contrôle statistique et la responsabilité budgétaire de chaque Etat-membre. Les deux avancent aussi une évidence : «les Etats ne devraient pas être contraints de secourir les banques». Le sont-ils donc toujours ? Oui. La régulation du secteur bancaire, promise en octobre 2008, n'a pas progressé.
Vendredi, les dirigeants européens se retrouvaient à Bruxelles pour un sommet de crise. L'analyse des statistiques européennes est édifiante sur notre propre situation: la France affiche des déficits plus importants que la moyenne de la zone euro, comme la Grèce, le Royaume Uni, l'Espagne et le Portugal. Il y avait urgence à rassurer les traders.
Une cure d'austérité pour les pauvres, des oeillades aux traders de tous les marchés, le programme de ces prochains mois s'annonce riche...
Ami sarkozyste, où es-tu ?