Bien rasé, coiffé et habillé, un Néandertalien passerait inaperçu dans le métro de New York affirmait l’anthropologue Carleton Coon en 1939 (1). Il ne croyait pas si bien dire… Car il y déambule encore maintenant, sous une forme inattendue ! En fait, il y a du Neandertal en nous, explique Hervé Morin dans un article très complet, publié aujourd’hui sur le site du Monde (2).
Mais ne vous ruez pas sur un miroir pour vérifier si votre bourrelet sus-orbitaire commence à pousser (avant l’été, ça ferait du plus mauvais effet sur la plage). En fait, Neandertal réside dans 1 % à 4 % de nos gènes. Plutôt discret me dites vous… mais il s’agit pourtant d’une révolution dans le domaine de la paléoanthropologie.
Elle est signée Svante Pääbo, de l’Institut Max-Planck de Leipzig (Allemagne) et son équipe. Pour arriver à ce résultat, publié dans Science (3), les chercheurs ont analysé de l’ADN nucléaire prélevé sur les os de néandertaliens vieux d’environ 40 000 ans, mis au jour il y a une vingtaine d’années dans une grotte de Croatie. Puis ils ont comparé cet ADN à celui de cinq hommes actuels : un français (cocorico), un Han (Chine), un Papou (Nouvelle-Guinée), un San (Afrique de l’Ouest) et un Yoruba (Afrique de l’Ouest). Résultat : l’héritage néandertalien est présent chez les eurasiatiques mais pas les africains.
D’après les chercheurs, nos deux espèces se sont métissées (4), mais « à une échelle modeste. Les populations en jeu ne dépassaient pas quelques milliers d’individus ». Ce mélange a eu probablement lieu au Proche-Orient entre 120 000 et 50 000 ans, soit avant la colonisation du globe par Homo sapiens, explique le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin à Hervé Morin.
Des résultats qui relancent la polémique au sujet de ce « cousin » longtemps déprécié. Ainsi, depuis sa découverte en 1856 en Allemagne, de nombreuses théories ont fleuri sur cet « homme mal dégrossi », lui déniant toute intelligence ou culture. Ce perdant de l’évolution (il a disparu mystérieusement il y a environ 30 000 ans), petit et râblé, a subit de nombreuses moqueries. Mais depuis le début du XXème siècle, d’autres chercheurs, tels Marylène Patou-Mathis (5), combattent ces idées reçues et soutiennent que des échanges culturels ont sûrement eu lieu. Les analyses génétiques de l’équipe de Svante Pääbo viennent confirmer ces pressentiments, déjà étayés par des découvertes archéologiques : des tombes qui attestent d’un culte des morts voire d’une religion, outils perfectionnés (culture châtelperronienne et moustérienne), preuves d’art et de parures (6). Neandertal n’a pas fini de nous étonner.
Pour suivre les actualités sur ce sujet, voir ma weblist dédiée sur Knowtex.
(1) Un Neandertalien dans le métro, de Claudine Cohen.
(2) Voir aussi les articles en anglais du New York Times et de la BBC.
(3) Voir un site de Science entièrement dédié à ces résultats, avec notamment une frise chronologique des découvertes sur cet hominidé et pour compléter, le superbe site (en anglais également) « What does it mean to be human ? », sur les hominidés, qui accompagne l’exposition du muséum de la Smithsonian Institution.
(4) Neanderthals ‘had sex’ with modern man (TimesOnline, 25 octobre 2009).
(5) elle a notamment écrit Neanderthal : une autre humanité. La plasticienne Elisabeth Daynes contribue également à donner vie à Neandertal grâce à ses sculptures (voir sur ce blog : Reconstituer nos ancêtres)
(6) Coquetteries de Néandertalien (bulletins électroniques, 1er février 2010).
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