On ne cesse, depuis le début de la crise financière, de parler de la « nécessité » d’une régulation de la finance mondiale. Le Commissaire européen au Marché intérieur, Michel Barnier, déclarait récemment, par exemple, au sujet des fonds d’investissement, qu’« il est vital qu’ils soient soumis à une régulation et à une supervision appropriée ». Quand on entend l’ancien ministre parler de « régulation », on aurait plutôt tendance à entendre « réglementation ».
En effet, lorsque, dans le métro, le chauffeur demande aux usagers de patienter pour « régulation », il s’agit d’une régulation spontanée, où les différents chauffeurs prennent librement les décisions qui s’imposent pour fluidifier la circulation des rames : certains métros attendent à quai ou entre deux stations, tandis que d’autres continuent à rouler. Le trafic est facilité.
Tout le contraire d’une situation où une autorité entend « superviser » (i.e., contrôler) les opérations des acteurs situées « en bas » d’une hiérarchie.
Pourquoi cette confusion ? S’agit-il d’une volonté de trouver un terme plus « vendeur » que « réglementation », qui renvoie à une économie administrée ?
Lost in translation
La meilleure explication est sans doute davantage linguistique que politique. Le terme « regulation », en anglais, qui est la « lingua franca » de la finance internationale, a un sens proche de celui du français « réglementation ».
C’est donc ce que l’on appelle un « faux-ami » : l’orthographe est proche, du fait de la parenté entre les langues française et anglaise, mais le sens est sensiblement différent, en raison des évolutions respectives des langues.
Lorsque les anglophones parlent de « regulation », il n’y a pas mensonge sur la marchandise : tout le monde comprend qu’ils parlent de réglementations.
En revanche, lorsque les francophones utilisent ce terme, il y a une véritable escroquerie sémantique : qui pourrait sérieusement être contre la régulation ? Et pourtant, qui comprend bien que sous couvert de régulation, inhérente au capitalisme libéral, Michel Barnier, Dominique Strauss-Kahn ou Christine Lagarde prônent, en réalité, une attaque contre ce même capitalisme libéral ?
On parle souvent de l’anglicisation des élites françaises que provoquerait la construction européenne. C’est à la fois vrai et faux. Vrai parce que ces élites utilisent en effet de plus en plus des anglicismes. Faux parce qu’elles ne comprennent manifestement pas le sens exact des termes anglais d’origine.
Ce qui entraîne, sur ce sujet comme sur tant d’autres, de fâcheux contresens.