Guy Millière : Le futur selon George W. Bush (2005) - Apologie du néo-conservatisme

Publié le 13 novembre 2007 par Fares

Il y a quelques mois, entre les deux tours de l'élection présidentielle, j'ai publié un article sur AgoraVox.
Dans cet article, je cite un extrait du livre Le futur selon George W. Bush (2005) de Guy Millière, un écrivain français favorable aux néo-conservateurs).


Je m'auto-cite (cette fois-ci c'est sûr, j'ai atteint le comble du narcissisme) :

Mais c'est bien en terme de politique internationale que sa contribution pourrait être la plus désastreuse. C'est sans doute Guy Millière, un écrivain français favorable aux néoconservateurs américains qui nous éclaire le mieux sur les enjeux cachés de cette élection, dans son ouvrage : Le futur selon George W. Bush



Le néoconservatisme. La guerre "préventive". "L'inévitable conflit des civilisations". La légalisation de la torture. Une idéologie qui doit s'implanter en Europe, faute de quoi nous ne serons pas "sauvés". Une idéologie sans laquelle nous "disparaîtrons", d'une manière ou d'une autre.


Aujourd'hui je vous propose d'aller un peu plus loin, en regardant ce livre de plus près.


Aujourd'hui, la doctrine Bush est plus caricaturée, plus honnie encore que la doctrine Reagan. Cela parce que Bush, disciple de Reagan, ose lui aussi nommer l'ennemi, parce que Bush, disciple de Reagan, discerne que le totalitarisme, comme le mal, n'a pas disparu et continue à hanter la planète. Sous une forme plus dangereuse sans doute qu'au temps de l'Union Soviétique.


Mais ne jamais perdre de vue que la guerre qui nous a été déclarée est une guerre contre nos valeurs et ce qu'elles offrent au monde.


"La guerre qui nous a été déclarée". Bien évidemment, il se réfère au 11 septembre.

A plusieurs reprises, il insiste sur la notion d' "ennemi de l'intérieur"


"Les gens issus de la contre-culture aiment celui qui veut les tuer non parce qu'ils espèrent sa clémence, mais parce qu'ils se détestent eux-mêmes en tant qu'Américains. Le pire ennemi est l'ennemi de l'intérieur. Il faut lutter contre lui aussi, et il ne faut pas oublier le front intérieur" dit David Horowitz.

[...]


Il faudra comprendre aussi que les ennemis de la mondialisation accélérée en cours ne sont pas seulement dans les pays déconnectés mais aussi dans les pays les plus impliqués dans la mondialisation. L'altermondialisme est un compagnon de combat de la déconnection, et de tout ce que la déconnection charrie, de fait, en terme de terrorisme et de totalitarisme.

Altermondialisme, terrorisme et totalitarisme : même combat.

Car les ennemis sont partout. Comme le disait George W. Bush : "you are either with us, or you're with the terrorists".

De là à dire qu'il faut appliquer aux "ennemis de l'intérieur" le même traitement de choc que celui qu'on réserve aux "terroristes", il n'y a qu'un pas. Un pas d'autant plus facile à franchir qu'on cherche à insinuer et à entretenir la confusion entre les deux.


Business is Business : c'est bon pour le marché


Dès la chute de Kaboul, nombre d'hommes se sont fait raser la barbe puisqu'il n'était plus obligatoire de la porter. Nombre de femmes ont enlevé la burqa, puisqu'elle non plus n'était plus obligatoire (...) Des hommes par milliers portent toujours la barbe, des femmes par milliers portent toujours la burqa, il y a toujours des mariages forcés et des crimes d'honneur, mais des élections ont eu lieu où les femmes ont voté avec le même droit que les hommes. Dans les campagnes, on cultive à nouveau le pavot, diront ceux qui entendent trouver quelque chose à redire : la culture du pavot est effectivement tres lucrative, et les agriculteurs afghans répondent aux incitations économiques issues du marché. Une révolution est néanmoins en marche en Afghanistan...

C'est sans équivoque : peu importe que l'Afghanistan soit redevenu le premier producteur d'héroïne (avec 92% de la production mondiale d'opium) depuis la chute des fanatiques de la charia. Ces derniers sont désormais remplacés par les fanatiques du marché, pour qui le commerce de la drogue ne constitue pas un problème, puisqu'il est très rentable.
Et par ailleurs, qui est suffisamment naïf pour croire que les centaines de milliards de $ annuels qui proviennent du blanchiment de l'argent de la drogue profitent principalement à des abrutis de chefaillons de guerre qui sillonnent les montagnes afghanes dans leurs cortèges de 4x4 blancs flambants neufs ?

Et l'Europe dans tout ça ?

A plusieurs reprises, il ressort le couplet affligeant sur "la vieille Europe". Ce n'était pas du tout un dérapage de Donald Rumsfeld à l'époque : "la vieille Europe", c'est une composante récurrente de la vision néo-conservatrice du monde. Dans cette partie du bouquin, l'Allemagne et la France sont stigmatisées parce qu'elles ne font pas preuve d'unité dans le front commun qui doit se défendre contre l'agresseur-terroriste-qui-veut-tous-nous-tuer-parce-qu'il-déteste-notre-liberté.

[...]

Les Européens devront comprendre ce qui est très précisement en jeu dans la révolution néo-conservatrice américaine, d'une manière ou d'une autre, ou ils disparaîtront, et l'Europe avec eux. La disparition de l'Europe pourra être brutale ou douce, rapide ou lente. Elle pourra être une avancée progressive vers la vieillesse et la décrépitude qu'annoncent les courbes démographique actuelles, une progression vers l'islamisation qui ne sera islamisation modérée que si, et seulement si la doctrine Bush concernant l'islam est couronnée de succès.

[...]

Le néo-conservatisme pourrait-il s'implanter en Europe et, ainsi, sauver l'Europe ?
[...]


"Les Européens ne seront sauvés, s'ils doivent l'être, que par un sursaut immense", m'a dit David Horowitz à Malibu.


Ah, nous voila rassurés. D'une manière ou d'une autre, le néo-conservatisme va s'implanter en Europe, pour nous sauver de la décrépitude et de la gangrène de l'islamisation.

Comment un pays soit-disant aussi hostile à Bush et à sa clique d'escrocs a-t-il pu porter au pouvoir un missionnaire du néo-conservatisme tel que Nicolas Sarkozy, sans même s'en rendre compte ?
Il faut vraiment sous-estimer l'influence de la France en Europe et dans le Monde pour ne pas se rendre compte qu'elle occupe une place de choix en terme de potentiel de "néo-conserva-tisation" de l'Europe. Et il faut vraiment manquer de recul pour ne pas se rendre compte qu'en élisant Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, c'est exactement dans cette direction là que nous nous sommes engagés.

Le retournement des valeurs

Mais l'aspect le plus frappant de ce livre, c'est sans doute l'imposture intellectuelle qu'il adopte d'un bout à l'autre du bouquin. Les néo-conservateurs sont selon lui "les vrais américains", qui défendent "les vraies valeurs américaines". Il parle de "liberté" et délivre un discours qui se réclame des "pères fondateurs de la Nation Américaine".


Evidemment il passe sous silence l'une des citations les plus importantes de Benjamin Franklin, l'un des pères fondateurs des Etats-Unis, qui disait :


Ceux qui sont prêts à sacrifier un peu de liberté en échange d'un peu de sécurité ne méritent ni l'une ni l'autre, et finiront par perdre les deux.


Il passe sous silence le fait que la politique intérieure de Bush, à travers un ensemble de lois fascistes (Patriot Act, Anti-Terrorism Bill, Military Commission Act, etc...), a été de systématiquement détruire et vider de son contenu la Constitution Américaine, qu'il avait prêté serment de défendre lors de son investiture.


Retour au bouquin, page 142 :


La souveraineté de la liberté ou la mort, notais-je plus haut. Et plutôt la mort que la perte de la liberté. La Civilisation ou la mort. Dans les semaines qui ont suivi le 11 septembre 2001, et alors que les drapeaux américains étaient partout, aux fenêtres et sur les voitures, sur les vêtements et dans les coeurs, les bobos se sont émus que leurs enfants parfois aient voulu eux-même arborer le drapeau.

"Le 11 septembre 2001" encore et toujours. La clef de voûte, la pierre d'angle sur laquelle repose toute la justification de la doctrine néo-conservatrice. Je vous ai déjà pas mal bassinés avec ces histoires de 11 septembre. Et j'y reviendrai, pour votre plus grand plaisir.

Dans le bouquin il qualifie de "bobos" les Américains qui se sont interrogés sur le bien fondé de la vague d'orgie patriotique qui a déferlé sur les Etats-Unis après le 11 septembre.


Tiens d'ailleurs en passant, rien à voir avec ce bouquin, mais le coup du drapeau me rappelle une interview de Scott Ritters :


Waving a flag on the street corner does not make you patriotic or support the troops. I could train a monkey to do that job. You're only a patriot if you've read the Constitution, and you live the Constitution, and I would say that Cindy Sheehan and those who support her, and those who speak out against this war are far more patriotic than any gold star mother or anybody else who stands on the street corner and encourages a war that's based on a lie and can only result in the death and dismemberment of more American troops.

Retour au bouquin de Millière, page 147 :


Nous ne sommes rien, strictement rien, si nous oublions les textes fondateurs, si nous oublions les pionniers.

Un tel retournement des valeurs, une telle imposture, c'est à la limite de l'injure.

Un peu plus loin, page 186, il donne un avis éclairant sur la fonction des think-tanks :


Des centres de recherche, les think-tanks, viennent contrebalancer le gauchisme politiquement correct des universités bobos. Ils produisent des recherches, des livres, des essais argumentés et novateurs là où leurs adversaires se contentent de ressasser les mêmes idées faibles ou inexistantes en tant qu'idées.