Keith Olbermann à propos du Military Commissions Act : "Le début de la fin des Etats-Unis"

Publié le 18 novembre 2007 par Fares
Il y a un peu plus d'un an, le 17 octobre 2006, Geroge W. Bush a ratifié le Military Commissions Act.
Keith Olbermann présente l'émission Countdown sur MSNBC. Le 18 octobre 2006, il fait un "commentaire spécial" sur cet ensemble de lois qui sont entrées en vigueur la veille, qu'il qualifie de "Begining of the end of America" ("début de la fin des Etats-Unis").
Voir : La transcription en VO
http://www.youtube.com/watch?v=eXSaKLb4et0
Transcription FR :
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Nous avons vécu comme si nous étions en transe. Nous avons vécu comme des gens effrayés. Et désormais, alors que nos droits et nos libertés sont en péril, nous prenons lentement conscience que nous avons eu peur de la mauvaise chose.
Par conséquent, aujourd'hui, nous sommes réellement les héritiers de notre tradition américaine. Car, en cette première journée d'entrée en vigueur du "Military Commissions Acts", nous sommes confrontés à ce à quoi nos prédécesseurs ont du faire face à d'autres moments de crises et de peur mélodramatique.
Un gouvernement plus dangereux pour notre liberté que l'ennemi contre lequel il prétend nous protéger.
Nous avons déjà connu cela par le passé. Nous l'avons déjà connu, menés par des hommes plus sages, plus nobles et meilleurs que George W. Bush.
Nous avons déjà connu cela lorsque le Président John Adams a affirmé que les lois "Alien and Sedition Acts" étaient nécessaires pour sauver des vies américaines. Pour finalement le voir utiliser ces lois pour emprisonner des rédacteurs de journaux.
Des rédacteurs américains, dans des prisons américaines, pour des articles qu'ils ont écrits au sujet des Etats-Unis.
Nous avons déjà connu cela lorsque le Président Woodrow Wilson a affirmé que les lois "Espionage Act" étaient nécessaires pour sauver des vies américaines. Pour finalement le voir utiliser ces lois pour poursuivre 2'000 Américains, en particuliers ceux qu'il décrit comme des "Hyphenated Americans", dont la plupart étaient seulement coupables de préconiser la paix en temps de guerre.
Des orateurs américains, dans des prisons américaines, pour des choses qu'ils ont dites au sujet des Etats-Unis.
Nous avons déjà connu cela lorsque le Président Franklin D. Roosevelt a affirmé que le décret 9066 était nécessaire pour sauver des vies américaines. Pour finalement le voir emprisonner et paupériser 110'000 Américains, tandis que son homme de main, le General Dewitt déclarait devant le Congrès : "Le fait qu'ils soient citoyens Américains ne fait aucune différence, ils sont toujours Japonais".
Des citoyens américains, dans des camps américains, non pas pour leurs écrits, ni pour leurs propos, ni pour leurs actions, mais seulement parce qu'eux ou leurs ancêtres avaient fait le choix de venir aux Etats-Unis.
Chacune de ces actions ont été entreprises pour les plus vitales, les plus urgentes, les plus incontournables des raisons. Et chacune est une trahison de ce pour quoi le Président prétendait les utiliser.
Adams et son parti ont été balayés et le "Alien and Sedition Acts" a été révoqué. Beaucoup de gens que Wilson a fait taire lui ont survécu, et l'un d'eux a même tenté de lui succéder et a obtenu 900'000 voix alors que sa campagne électorale avait été menée entièrement depuis sa cellule de détention. L'internement des Japonais imposé par Roosevelt n'est pas le pire acte de son bilan, mais 40 ans plus tard il a nécessité des excuses formelles de la part du gouvernement des Etats-Unis envers les citoyens des Etats-Unis dont les vies ont été ruinées.
Les plus vitales, les plus urgentes, les plus inévitables des raisons.
Dans les moments de peur, nous ne sommes que des hommes. Nous nous sommes laissés dépasser par la "peur de la peur" de Roosevelt. Nous avons écouté la petite voix intérieure qui nous disait : "le loup est à la porte, ce sera temporaire, ça passera".
Nous avons accepté l'idée que le seul moyen d'arrêter les terroristes est de laisser le gouvernement se comporter un peu comme les terroristes.
De la même manière que nous avions accepté que le seul moyen d'arrêter les Soviétiques était de laisser le gouvernement se comporter un peu comme les Soviétiques.
Ou comme les Japonais.
Ou les Allemands.
Ou les Socialistes.
Ou les Anarchistes.
Ou les Immigrants.
Ou les Britanniques.
Ou les étrangers.
Les plus vitales, les plus urgentes, les plus inévitables des raisons.
Et à chaque fois, à chaque fois, à tort.
Avec la distance historique, les questions se résumeront à cela : "Est ce que cette génération d'Américains prend la menace au sérieux, et faisons-nous ce qui est nécessaire pour en venir à bout ?".
De sages paroles. Et des propos plus ironiques : les vôtres bien sûr Mr Bush.
Hier, en signant le "Military Commissions Act", vous en avez dit bien plus que vous ne le pensez, Mr le Président.
Malheureusement, bien sûr, la distance historique nous fera prendre conscience que la menace que cette génération d'Américains devait prendre au sérieux, c'était vous.
Nous avons une longue et douloureuse histoire du fait de l'oubli de la prophétie attribuée à Benjamin Franklin : "ceux qui sont prêts à renoncer à un peu de liberté en échange d'un peu de sécurité ne méritent ni l'une ni l'autre".
Mais même dans cette histoire douloureuse, nous n'étions jamais allés aussi loin dans l'empoisonnement du Habeas Corpus, ce principe de protection essentiel dont toutes nos libertés découlent.
Vous, Monsieur, avez souillé ce principe.
Vous, Monsieur, nous avez donné le chaos et l'avez appelé l'ordre.
Vous, Monsieur, nous avez imposé la domination et l'avez appelé la liberté.
Pour les plus vitales, les plus urgentes, et les plus inévitables des raisons.
Et là encore, Mr Bush, chacune d'entre elles à tort.
Nous avons remis un chèque en blanc contre notre propre liberté à un homme qui a affirmé qu'il est inacceptable de comparer quoi que ce soit que ce pays n'ait jamais fait avec ce que les terroristes ont fait.
Nous avons remis un chèque en blanc contre notre propre liberté à un homme qui a de nouveau affirmé que "les Etats-Unis ne pratiquent pas la torture. C'est contraire à nos valeurs", tandis que les images de la prison d'Abu Ghraib et les affaires de Waterboarding étaient rendues publiques.
Nous avons remis un chèque en blanc contre notre propre liberté à un homme qui peut désormais, s'il le souhaite, déclarer non seulement des étranger comme "combattant ennemis illégaux" pour les expédier quelque part, n'importe où ; mais peut désormais, s'il le souhaite, vous déclarer vous comme "combattant ennemi illégal", et vous expédier quelque part, n'importe où.
Et si vous pensez qu'il s'agit juste inquiétude déplacée, demandez aux rédacteurs de journaux sous John Adams, ou aux pacifistes sous Woodrow Wilson, ou aux résidents d'origine japonaise sous Franklin Roosevelt.
Et si vous croyez que le Habeas Corpus n'a pas été supprimé pour les américains mais seulement pour tous les autres, posez-vous cette question : si vous êtes embarqués demain et qu'on vous accuse d'être un étranger ou un immigré sans papiers ou un "combattant ennemi illégal", comment allez-vous les convaincre de vous offrir une audience au tribunal pour leur prouver qu'ils se trompent ? Est ce que vous pensez que le procureur général va vous aider ?
Ce Président a désormais son chèque en blanc.
Il a menti pour l'obtenir.
Il a menti en le recevant.
Y a-t-il une raison de croire qu'il n'a pas menti sur la manière dont il a l'intention de l'utiliser, et sur ceux sur qui il prévoit de l'utiliser ?
"Ces commissions militaires fourniront un procès équitable", nous avez-vous dit hier Mr Bush, "dans lesquels les accusés sont présumés innocents, et ont accès à un avocat et pourront avoir connaissance des preuves qui les accusent".
"Présumés innocents", Mr Bush ?
Le bout de papier que vous avez signé hier indique les détenus peuvent être maltraités jusqu'à la limite de ce qui pourrait leur causer un "grave traumatisme mental et physique", dans le but de leur faire avouer leurs crimes, et ils ne peuvent même plus invoquer les Conventions de Genève pour leur défense
"Avoir Accès à un avocat", Mr Bush ?
Le Lieutenant Commandant Charles Swift a dit dans cette émission et à la Cour suprême, qu'on lui a autorisé l'accès à son client détenu qu'à la condition que ce dernier plaide coupable
"Avoir connaissance de toutes les preuves", Mr Bush ?
Le Military Commissions Act permet expressément l'introduction de preuves classifiées qui ne sont pas portées à la connaissance de la défense.
Vos propos sont des mensonges, Monsieur !
Ce sont des mensonges qui nous mettent tous en danger.
"L'un des terroristes qui auraient planifié les attentats du 11 septembre", nous avez-vous dit hier, "a déclaré qu'il espérait que ces attentats seraient le début de la fin de l'Amérique".
Ce terroriste, Monsieur, n'aurait pas pu espérer mieux. Ni ses actes, ni ceux d'une file interminable de terroristes réels ou imaginaires n'auraient pu rivaliser ce que vous avez fait
Le Habeas Corpus ? Envolé.
Les Conventions de Genève ? Facultatives.
La force morale qui rayonnait vers l'extérieur du monde comme un phare, et à l'intérieur comme une protection éternelle ? Etouffée.
Ce que vous avez fait, Mr Bush, constitue "le début de la fin de l'Amérique".
Et avez-vous songé une seule fois, Monsieur, au cours de votre discours d'hier et des huit invocations que vous y avez fait des attentats du 11 septembre, qu'avec juste un tout petit peu plus de désaveu de ce pourquoi nos patriotes sont morts, avez vous songé un instant que dans seulement 27 mois et deux jours à partir de maintenant, lorsque vous quitterez votre poste, un quelconque futur Président irresponsable et un "tribunal compétent" composé de ses laquais seraient en droit, du fait de vos actions, de déclarer "combattant ennemi illégal" et de convoquer une Commission militaire pour juger non pas John Walker Lindh, mais George Walker Bush ?
Pour les plus vitales, les plus urgentes, et les plus inévitables des raisons.
Et là encore, sans aucun doute Monsieur, comme toujours, à tort.
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