Diffuséé en première partie de soirée, la publi-émission dont le coût de production aurait selon Libération été pris en charge partiellement à hauteur de 350.000 euros par la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) a suscité l’ire du Syndicat national des journalistes (SNJ) qui s’est déclarée être “choquée” par le “fait que la gendarmerie donne l’impression que le service public est à vendre“.
L’opération de com, 3,5 millions de téléspectateurs, ne visait pas comme l’affirme Dominique Achispon, secrétaire général du syndicat national des officiers de police (Snop) à ce que le service public (France Télévision) serve de centre de recrutement pour les gendarmes mais à redorer l’image d’un corps voué à fusionner en catimini et dans l’indifférence la plus complète avec la police.
Jean-Marc Bailleul, secrétaire général adjoint du Snop s’est fait beaucoup moins diplomate que le patron de son syndicat : “Ce n’est pas de la jalousie, mais préférer consacrer une émission à la gendarmerie au détriment de la police, c’est prendre le risque de marquer sa préférence, dans une période où le rapprochement de ces deux institutions ne se fait pas sans tensions.”
Tensions ? Le mot est lâché. Une référence anodine à une crise profonde qui ne l’est pas et qui traverse la gendarmerie de la base à son sommet. Le regroupement police-gendarmerie est loin de se dérouler dans toute la quiétude dont on fait état au ministère de l’Intérieur. Le mariage s’il a lieu ne sera ni d’amour ni de raison mais, forcé.
Jean-Jacques Urvoas , député socialiste du Finistère et secrétaire national du PS en charge de la sécurité a pris le temps de décrypter pour la fondation Jean Jaurès ce que recouvre la fusion programmée de la police et de la gendarmerie pudiquement qualifiée dans l’immédiat de simple “rapprochement”.
Le parlementaire socialiste évoque “la difficulté que semble éprouver le ministère de l’intérieur à gérer le rapprochement entre des entités dont la structuration professionnelle et le système des valeurs ne sont pas totalement identiques“. La formule peut prêter à sourire tant elle recouvre deux mondes totalement différends séparés par un gouffre que la recherche de synergie et de complémentarité ne saurait combler.
L’opportunité politique de la fusion n’est pas avérée même si une mutualisation partielle des moyens est souhaitable pour réaliser des économies d’échelle. Aller plus loin risque au contraire d’être coûteux. Jean-Jacques Urvoas estime que “l‘instauration de passerelles entre les deux forces risque de fonctionner peu ou prou à sens unique et se traduire par une saignée conséquente des effectifs de la gendarmerie, si celle-ci ne bénéficie pas au plus vite de revalorisation statutaire“.
Jean-Jacques Urvoas juge surtout que le rapprochement des deux forces de sécurité s’inscrit avant tout dans la philosophie de la RGPP et devrait se traduire par des redéploiements territoriaux conséquents marqués par l’éviction de la gendarmerie des zones périurbaines avec au final une diminution conséquente de la présence policière sur le terrain et l’émergence de fortes inégalités territoriales.
Contrairement à ce qui se prépare, “notre pays a besoin de deux forces aux identités confortées, pleinement rassurées sur leurs attributions respectives et capables de travailler de concert sans arrière-pensées” conclut le secrétaire national du PS en charge de la sécurité. Une condition parmi d’autres selon lui du succès de la lutte contre la délinquance.
Les socialistes iraient-ils désormais chasser sur les terres idéologiques de Nicolas Sarkozy ?
Source : Fondation Jean Jaurès - Note n°51: “Police-gendarmerie, un rapprochement au service de l’efficacité ?” (JJ. Urvoas)