L’avantage des niveaux abyssaux qu’a atteint la côte de popularité de Nicolas Sarkozy est de nous avoir épargné une célébration en fanfare de l’anniversaire des 3 ans de l’arrivée au pouvoir de notre Génie de Neuilly-sur-Seine. La célébration fut digne, simple, dans un contraste saisissant avec la pompe du voyage en Chine du couple présidentiel, et se limita pour le public à un communiqué posté sur le site Internet de l’Elysée et la page Facebook du Président – celle qui lui avait valu un ridicule national il y a quelques mois, lorsqu’il se vantait d’avoir prévu, seul, du haut de ses talonnettes la date de la chute du Mur et d’avoir assisté à cet évènement. On y reprenait l’antienne du Régime : enfin, la France, cette grande insoumise, avait accepté de se laisser réformer et lesdites réformes allaient bon train, mené par un homme déterminé à faire triompher le Bien dans ce pays de l’Obscurantisme. Certes, les échecs flagrants et autres promesses non tenues – au premier rang desquelles le symptomatique « Travailler Plus pour Gagner Plus » – avaient disparu du catalogue à la Prévert, mais le message restait le même : la France était sur la bonne voie, et l’Homme Providentiel, à la barre.
Mais pourquoi ne pas écrire une autre histoire de ces 3 premières années ? Et pourquoi ne pas célébrer les vraies qualités de ces premières années de pouvoir Sarkozy : l’amateurisme, le ridicule, et l’échec des politiques menées ?
Souvenons-nous où commencèrent ces trois premières années : Place de la Concorde pour les badauds, au Fouquet’s sur les Champs-Elysées pour les Happy Few – ceux qui allaient compter dans l’Etat Sarkozy – lors de ce fameux dîner réunissant pêle-mêle entrepreneurs, patrons du CAC40, sportifs, personnalités du show-bizz. Dans ces occasions, qui apparaissent ensuite comme fondatrices, les absences sont aussi évovatrices que les présences : point d’écrivains, d’intellectuels, ou autres « penseurs », abandonnés à la Gauche ou pire au camp des “loosers”, eu égard au faible montant de leurs avoirs financiers. Seuls l’argent et les paillettes servaient ce soir-là de sésame pour accéder au saint des saint du nouveau Pouvoir, et se gargariser avec lui de sa puissance récemment acquise.
Souvenons-nous où le Président vint « habiter la fonction » – suivant ses termes - : le yacht de son ami, le milliardaire Bolloré.
Souvenons-nous de l’installation de la famille présidentielle, horde toute droit sorti de Camping2 et passée à l’habillage chez Prada ou Dior.
Souvenons-nous des caprices de la Reine Mère, annexant, au mépris de toute bienséance républicaine, et semblant confondre palais républicains et hôtels 5 Etoiles, le Pavillon de la Lanterne, résidence secondaire officielle des Premiers Ministres, sous prétexte que cette dernière serait plus commode pour une famille, et possédait en outre des courts de tennis.
Souvenons-nous de ce Président et de la France entière avec lui ridiculisés devant le Monde entier par une future ex-épouse, décidant au dernier moment de boycotter tel dîner de chef d’Etat ou telle rencontre informelle avec le Président américain, sous prétexte qu’une virée shopping se préparait ou que la liste des invités ne lui seyait pas ?
Souvenons-nous du début de septennat, où l’on nous imposa le départ de la Harpie, la dépression du Mari cocufié, les frasques de telle Ministre qui confondait l’habit avec la fonction, pensant à tort que ce qu’elle dépensait en habit lui conférerait le prestige de la fonction, et qui plus est consommait directeurs de cabinet à la même fréquence que les Kleenex dans les telenovelas colombiennes.
Souvenons-nous de l’improbable virée de l’ex-Première Dame en Lybie, qui nous ramena quelques infirmières bulgares, et un dictateur une semaine en goguette à Paris
Souvenons-nous de l’augmentation éhontée de salaire que le Président s’accorda, confondant un peu vite les pratiques des boards du CAC40 avec celui d’une démocratie ?
Souvenons-nous que ce fut finalement une Droite proclamant victorieusement que Mai 68 était mort qui nous offrit ce que la Gauche n’osa jamais tenter : un divorce puis un remariage à l’Elysée avec une multi-millionnaire, ex-chanteuse et ex-mannequin.
Souvenons-nous que ce fut cette Droite qui a nourri la presse people de bribes de vie du Président, donnant l’impression que le Président travaillait pour Lagardère, lui qui appelait le Président « son frère » et qui était censé travailler pour ce dernier ?
Souvenons-nous de la curieuse habitude qu’avait le Président d’insulter ses sujets en déplacement ?
Souvenons-nous de cet irrépressible besoin de se mettre en avant qui nous valut plusieurs tensions avec nos voisins européens, peu enclins à se voir insulter devant les journalistes ?
Souvenons-nous enfin de cet improbable épisode qui vit le Président quasiment offrir l’EPAD sur un plateau à son fils, pour maintenir la mainmise du camp sur l’un des plus riches départements de France ?
N’est-il pas finalement assez logique que le bilan de ces 3 ans soit discret ?