Panique : frayeur collective soudaine, effroi soudain et incontrôlable qui trouble l’esprit et le comportement.
Il aura fallu trois morts en Grèce pour que le gouvernement français comprenne le sérieux de la situation. La Grèce s’est en effet révélée pleine de jeunes déçus, pour lesquels une bonne révolution prolétarienne semble être une voie intéressante, avec tout ce qu’elle suppose de lendemains qui chantent et d’avenir du genre humain, tsoin tsoin.
Et c’est donc dans une panique à peine camouflée que Fillon aura organisé un Séminaire Gouvernemental consacré à la lutte contre les déficits. C’est amusant, un séminaire, puisque traditionnellement, c’est un lieu où l’on forme des hommes d’église. C’est finalement assez logique, puisqu’ici, on le comprendra, les ministres du groupe de travail vont donc devoir s’employer à évangéliser les Français, à commencer par ceux qui travaillent pour eux dans les administrations, avec une Bonne Nouvelle : il va falloir se serrer la ceinture.
Ok. La nouvelle n’est pas bonne, et l’évangélisation médiatique et tonitruante risque de tourner au chuchotement discret dans les coulisses d’un état dont on sent nettement la fébrilité maladive.
En pratique, on comprendra bien ici que « la ceinture », c’est celle des millions de contribuables dont les ministres, les députés et les sénateurs ne font pas partie. La leur restera ouverte, permettant des mouvements amples d’un bedon qu’on soupçonne grossissant les années aidant.
On se rappelle, il y a quelques joursheures, du petit Barouin qui, ayant fait revenir sa compagne évadée fiscale pour éviter les moqueries, se fendait d’une déclaration humoristique sur une France qu’il voulait exemplaire en matière de gestion de budget.
Évidemment, l’annonce n’avait absolument rien arrangé sur les marchés : les petits coups de mentons volontaires n’ont plus cet effet magique qu’ils pouvaient avoir, jadis, quand la crise n’était pas passée par là.
Eh oui : force est de constater que les gouvernements français successifs n’ont jamais tenu parole en matière de déficits et de dette sur les trente dernières années. Et alors que la situation économique mondiale n’était pas trop mauvaise de 2000 à 2008, la France creusait déjà vigoureusement. On comprendra qu’en période de crise, on ne s’attendra donc pas à la voir boucher des trous.
Tout ceci donne en conséquence un parfum de moisi et de carton bouilli aux dernières déclarations constipées de Fillon, dont on se souvient la célèbre tirade (septembre 2007), rare instant de lucidité et de courage politique, dans laquelle il avait osé dire que le Roi Est Nu alors que tout le monde, au gouvernement, s’employait à tisser ses habits de fil magique en chantant gaiement.
Mais baste, examinons un court instant ses propositions.
Tout d’abord, on a le fameux « gel des dépenses de l’état pendant trois ans » … Si l’on s’en tient au budget 2010, cela veut donc dire que l’Etat, dépensant autant que cette année-là, devra se contenter d’un trou de plus de 100 milliards. Trois années de suite. Charges de la dette et des retraites non incluses.
Comme effort, ça claque grave.
Mieux : ceci – qui est, soyons clair, un simple statu-quo – est présenté comme un effort parce que les dépenses n’augmenteront pas de la marge permise par l’inflation. Ceci est une belle fumisterie dans la mesure où l’inflation est très faible actuellement. Si l’on tient compte, en surcroît, de toutes les charges pudiquement évacuées du calcul, on voit que … rien ne change : l’état va continuer à faire de la dette dans des proportions colossales, tout en s’éparpillant en mesurettes ridicules pour rogner sur les factures d’attaches-trombones et de lavage des voitures officielles.
Ensuite, on découvre que la politique de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux est conservée. Excellent. A ce rythme, il faudra donc toujours des douzaines d’années pour que la fonction publique française diminue dans des proportions compatibles avec sa dette, sa croissance, et en ligne avec les autres pays modernes (en tout cas ceux de ces pays qui ne sont pas au bord du gouffre).
Le souci est évident : on n’a pas des douzaine d’années. On n’a d’ailleurs même pas deux ans, probablement.
Lorsqu’on lit ensuite que l’objectif est de réaliser 5 milliards d’économies … en 2 ans, on n’aboutit qu’à une conclusion : LE FOUTAGE DE GUEULE CONTINUE.
Et d’ailleurs, le balai des imbéciles et des hypocrites reprend de plus belle : quand bien même les mesures annoncées ont absolument toutes les caractéristiques de la fanfreluche citoyenne et médiatique, on retrouve les mêmes airs faussement catastrophés du côté des autres socialistes (ceux de gauche), restés stupidement coincés sur l’antienne keynésienne d’une bonne grosse dépense publique pour relancer le bastringue, ou des socialistes de droite qui savent pertinemment que leurs électeurs, nourris aussi aux mamelles juteuses de la sociale-démocratie dépensière, ne pourront pas se passer si facilement des distributions gratuites (i.e. payées par tous).
…
Soyons clairs : les efforts grecs sont, d’ores et déjà, très insuffisants, viennent trop tard, et n’ont évidemment pas le soutien de la population. Bercée pendant des années aux délicieuses sucrettes sociales-démocrates et au « On Verra Plus Tard », elle ne peut supporter l’idée que le pays est en ruines économiques et que sa banqueroute est toute proche. L’ampleur des sacrifices et auto-flagellations douloureuses qu’il va falloir faire est telle que, même au pied du mur, les politiciens n’osent pas annoncer la facture.
On comprendra alors qu’en France, pendant que la population reste très modérée, et qu’en plus, l’attention est focalisée autour de la Méditerranée, le gouvernement s’en tienne au service minimum. Ils savent pertinemment que ce qu’ils annoncent ne vaut pas un pet de lapin. Ils ont parfaitement intégré le fait que leurs micro-ajustements ne permettront en rien de redresser la situation française.
En revanche, ils ont aussi parfaitement compris que le but à atteindre n’est pas de sauver la France, n’est pas d’annoncer la vérité à la population, mais exclusivement de tenir encore les quelques mois qui les séparent d’une élection majeure. Je ne serais même pas surpris d’apprendre qu’ils ont déjà planifié leur défaite pour laisser aux autres socialistes le soin de déminer la bombe thermonucléaire qui cliquète obstinément.
Politiquement, c’est un pari fort risqué puisqu’il revient à croire que la France peut tenir encore deux ans. Économiquement, tout porte à croire que l’été sera chaud.
Ce pays est foutu. Manifestement.
—-
Et pour le coup, je tiens à signaler l’excellent article de V. Bénard à ce sujet : La faillite, passage désagréable mais obligé d’une sortie de cette crise