C’était l’un des plus grands directeurs de la photographie du cinéma français. Il s’est éteint mardi à l’âge de 73 ans…
Signer la lumière d’un film ne relevait pas, pour William Lubtchansky, d’une participation anodine à un projet supplémentaire. Il s’agissait de prendre part au projet du cinéaste dans une collaboration continue dont il fallait prendre soin. Il a ainsi travaillé sur 14 films de Jacques Rivette, de Noîrot en 1976 jusqu’au dernier, 36 vues du pic Saint-Loup, sorti l’année dernière, en passant par La belle noiseuse ou Jeanne la pucelle.
Né le 26 octobre 1937, William Lubtchansky a formé deux générations de directeur de la photo parmi lesquels Caroline Champetier, Jean-Paul Toraille ou sa fille, Irina Lubtchansky, opératrice des Mains en l’air de Romain Goupil.
Bricoleur de génie, il a collaboré à plus d’une dizaine de films avec Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, neuf longs métrages de Jacques Doillon, de L’an 01 (1972) à Du fond du cœur (1994), et sept films ou fictions télé de Jean-Luc Godard, parmi lesquelles Sauve qui peut (la vie) (1980) ou Nouvelle vague (1990), cinq films avec Otar Iosellani…
William Lubtchansky a également travaillé sur des documentaires importants, notamment Shoah de Claude Lanzmann, sorti en 1985, avec qui il a également fait Pourquoi Israël ? (1972) et Un vivant qui passe (1997) ou Daguérotypes d’Agnès Varda en 1976 avec qui a aussi fait trois films.
Sur la centaine de films dont il a signé la lumière en 40 ans de carrière, on se souviendra encore de La femme d’à côté de François Truffaut (1981) ou des Amants réguliers de Philippe Garrel, présenté à Venise et primé en 2005.
Associé à l’AFC, il y évoquait sa manière rituelle de commencer un film : « Je fais toujours les mêmes choses depuis 20 ou 30 ans : on prend un minimum de matériel et on va chez moi. Dans une pièce, il y a une table en bois et, dessus, une lampe. Je me débrouille pour que le personnage soit éclairé par la lampe, un peu en clair-obscur, puis je mesure toutes les zones sur les murs.On fait ensuite un plan large de la pièce, un gros plan et un petit pano qui passe devant la lampe, pour voir les problèmes de ‘flare’. Ensuite je vais dans la pièce d’à côté, éclairée par la lumière du jour et je refais un plan large puis un gros plan. C’est tout. Je fais ça sur tous les films. Ça permet de vérifier quelle est la lumière de tirage, de savoir si on est bien posé. C’est ce qui compte : faire une image. »
Source : Le Film Français