Le rôle d'Internet dans mon cancer - 2ème partie : l'encyclopédie médicale

Par Isabelledelyon

Vous pouvez lire ici le début, la première partie : l'annonce

Après le généraliste, le lendemain j'avais dû batailler pour voir ma gynéco, Dr A. Comme elle ne voulait pas/ne pouvait pas me recevoir malgré les messages du radiologue et de mon généraliste, j'étais allée aux urgences de l'hôpital pour qu'ils me fassent ma biopsie. J'étais trop angoissée pour attendre plus longtemps son bon vouloir. Effarée devant le comportement aux abonnés absents de ma gynéco, la femme médecin qui m'avait reçue l'avait appelée et était revenue en me disant que maintenant elle allait me recevoir dans la matinée et d'y aller tout de suite. Vous noterez au passage le professionnalisme de ma soit-disant gynécologue que je n'ai jamais revue depuis. Elle avait fait pareil quand j'avais fait une grossesse extra-utérine et je n'en avais même pas changé.
Quand elle m'a enfin reçue après 2H d'attente, elle a minimisé ce que j'avais, a nié que je puisse avoir un cancer pour tenter de me rassurer et surtout elle a, elle aussi, refilé le bébé à une collègue spécialisée en cancérologie, Docteur G., celle qui me suit encore aujourd'hui, qui me suivra toujours et qui suivra mes filles. La première personne qui a eu le courage de me regarder droit dans les yeux et de m'annoncer la vérité, en gardant son sang froid, en restant humaine, en prenant tout le temps dont j'avais besoin pour comprendre tout ce qu'elle me disait et surtout en restant la plus optimiste possible. Elle savait que ce qu'elle allait m'annoncer était terrible (et se doutait bien de la suite, pire encore) mais que c'était son devoir de m'informer et mon droit le plus basique de savoir. Elle l'a fait pendant sa pause déjeuner, après une matinée au bloc et un après-midi chargé comme toutes ses journées de travail. J'ai senti tout de suite une immense reconnaissance envers elle malgré la gravité de ce qu'elle me disait. Elle me traitait comme une personne, je me sentais reconnue, digne d'intérêt.
Elle est toujours disponible pour moi, elle a toujours un sourire. Elle a toujours pris sur son temps pour me rassurer lorsqu'elle sentait que j'en avais besoin. J'admire cette femme, j'ai une confiance totale en elle. Je sais qu'elle sera toujours honnête avec moi. Comme mon oncologue, je sais qu'elle est très heureuse que je m'en sois sortie, comme sa collègue, elle ne comprend pas pourquoi ça a marché pour moi et pas pour les autres, pourquoi tous mes bilans sont toujours OK mais comme sa collègue, elle me traite à pied d'égalité. Toutes les deux ne voient pas qu'une cancéreuse, loin de là, elles voient Isabelle, une femme avec une vie, une famille, un travail, une histoire et des sentiments. Son visage s'illumine lorsqu'elle me voit, elle me parle de son fils, de sa sœur qui vient d'avoir un cancer. Elle me demande ce qui m'a aidée à garder le moral, l'espoir, pour en faire bénéficier sa sœur car insiste-t'elle, "vous êtes à part". Elle a toujours été impressionnée par mon moral. J'ai une immense considération pour elle car elle en a pour moi. Qu'est-ce que ça me fait du bien de le sentir, de n'être pas qu'une patiente, un dossier à traiter.
Entre le moment où je l'ai rencontrée, où elle ne m'a pas laissée beaucoup d'espoir, où j'ai eu aussitôt ma biopsie et le moment où elle m'a communiquée les résultats, il s'est écoulé une semaine. Pendant cette semaine, je ne travaillais plus, j'étais à mon poste de travail mais le cancer absorbait toutes mes pensées. Je passais mon temps sur internet à chercher, à tenter de savoir ce qui m'attendait.


J'ai cherché tout ce que je pouvais trouver sur le cancer du sein. Internet m'a servi d'encyclopédie médicale.

J'ai voulu me familiariser avec les différentes formes de cancer, in situ ou invasif (infiltrant), lobulaire ou canalaire, les récepteurs qui peuvent être présents sur les cellules cancéreuses et qui aident le cancer à se développer plus rapidement, œstrogène, progestérone et la protéine Her2. J'ai appris le rôle des chaînes ganglionnaires dans la propagation du cancer. J'ai mémorisé les différents stades du cancer du sein et leur gravité. Je ne pouvais plus m'arrêter de chercher, je voulais tout savoir, tout connaître pour avoir l'impression de mieux maîtriser. Et plus je lisais, plus j'étais certaine d'avoir un cancer du sein.
Je suis alors passée à la recherche d'informations sur les traitements, chirurgie, chimios, rayons et leurs effets secondaires.

J'avais rendez-vous un vendredi soir avec ma toute nouvelle gynécologue Dr G. pour l'annonce des résultats. Mon mari m'accompagnait. En une semaine, j'avais eu le temps de me familiariser avec le cancer du sein, avec ce qui m'attendait pour les mois à venir. J'avais vidé mon ordinateur professionnel de toutes mes données personnelles, j'avais mis tout en ordre, passé les infos nécessaires à la bonne marche du service dont j'étais l'adjointe. J'avais accepté mon cancer, je savais que c'était ce que j'avais. J'avais compris pourquoi j'étais si fatiguée ces derniers temps, toujours ce besoin de faire la sieste le mercredi ou les week-end et pas seulement à cause de mon bébé. C'était aussi ce qui expliquait ma faim insatiable, je mangeais et je commençais pourtant à perdre un peu de poids, ce n'était pas l'allaitement.
J'avais lu tout ce qui avait trait aux traitements annoncés par ma gynéco avant la biopsie, je ne me souvenais plus de l'ordre mais je savais que j'allais avoir droit au tiercé gagnant chirugie, chimio, rayons. J'avais estimé que j'en avais au moins pour 9 mois et que je serai arrêtée pendant toute cette durée.

C'est après tout ce travail d'acceptation que j'ai pu entendre la confirmation de mon cancer. Mon mari avait refusé ce cancer toute la semaine, il était en plein déni. Lors de l'annonce, il est devenu livide, ma gynéco lui a tendu aussitôt un récipient, il avait envie de vomir. J'ai cru qu'il allait s'évanouir. Il a repris contenance, il était tellement choqué. Il ne voulait pas y croire.
Ma gynéco n'en revenait pas de mon calme apparent. Elle m'a dit que j'avais le droit de craquer, de pleurer mais je lui ai dit que je savais déjà que j'avais un cancer, que ce n'était plus une surprise mais que je voulais connaître tout ce qui m'attendait, l'ordre, les détails, tout. J'étais déjà prête à me battre, à passer à l'attaque, j'avais la gniaque. Je voulais que les traitements commencent le plus rapidement possible pour tenter de vaincre cette saleté qui voulait ma peau.

Grâce à internet, j'ai pu avoir du recul, j'ai pu me préparer psychologiquement à l'annonce du cancer, des traitements. J'ai pu comprendre tout ce que m'annonçait mon médecin, j'ai pu poser des questions plus pertinentes, je me suis sentie beaucoup plus actrice de mon cancer. Internet a été capital à ce moment aussi comme il l'a été par la suite. Et puis par mes recherches, j'avais réussi à dissocier cancer du sein et mort, j'avais réussi à croire à l'efficacité des traitements. J'étais prête pour l'étape suivante, je voulais commencer la bataille et bousiller toutes ces cellules qui tentaient de coloniser mon corps.

Vous pouvez lire ici la suite :la troisième partie, l'espoir.
la quatrième partie, le collaborateur