Les impromptus littéraires... un blog d'écriture que j'avais répéré chez Leiloona.
Je me lance ! Le thème est "la part d'ombre".
Voici mon texte :
La semaine passée, ma voisine est venue me voir avec mon courrier. Le facteur avait encore mélangé les enveloppes.
Inutile de te dire que cette voisine est une dame de pratiquement 90 ans mais qui se pomponne. Sa main doit trembler sous le poids de l’âge et sa vision doit être un peu plus floue : le rouge à lèvres dépasse de ses lèvres menues, le fard à joues est souvent plus important d’un coté du visage. Mais, elle ne sort jamais sans être maquillée et les années ne lui ont pas enlevé sa coquetterie.
Son mari était pêcheur, sur un thonier il me semble. Elle me raconte souvent ses campagnes de pêche. Il avait embarqué sur un bateau en tant que mousse alors qu’il ne savait même pas nager. Quand elle parle de son mari, ses yeux s’embuent, elle sort un mouchoir pour effacer au plus vite cette marque de sentiments. Etrangement, elle ne parle d’elle qu’à travers de lui comme si sa propre vie n’était qu’une ombre. Si je lui pose des questions, elle détourne son regard du mien ou baisse les yeux comme par pudeur. A croire qu’elle détient en elle une part d’ombre qu’elle ne veut pas dévoiler. Contrairement aux autres personnes âgées, elle ne va pas à la messe. Elle m’a dit d’un air triste qu’elle n’aurait pas le droit au paradis et qu’elle ferait perdre son temps au bon dieu si elle devait tout lui raconter. Quand je lui ai demandé pourquoi, elle a fait semblant de ne pas entendre ma question.
Ses volets étaient fermés depuis deux jours. Je me suis inquiétée et j’ai été frappé à sa porte, aucune réponse. Seul son chat est venu se frotter contre mes jambes. L’arrière cuisine était ouverte comme d’habitude. Je l’ai appelée… pas de réponse. Le bruit de l’horloge brisait le silence, elle était allongée sur son lit. Immobile. Ses cheveux longs lui encerclaient le visage. Posée sur sa tache de chevet, il y avait la photo d’un couple. J’ai regardé de plus près. C’était elle sur la photo accompagnée d’un homme en tenue d’officier Allemand.
J’ai compris pourquoi elle ne voulait jamais parler d’elle... Elle dissimulait son passé sous son maquillage.