Le voile et les femmes selon Kate Bush…
Elle a beau porter le voile dans la prestation de son envoûtante chanson Egypt, lors de sa prestation de la fameuse soirée XMas-Special sur BBC, Kate Bush n’a toujours rien d’une femme qui cache ses atoûts féminins… Certes, elle ne porte pas la burqa, ni le niqab, et sa bouche apparaît d’autant plus rouge qu’elle fait écho à la couleur du voile.
Alors, que signifient cette chanson et cette mise en scène ?
Figurez-vous que deux interprétations s’en disputent le sens. La première considère qu’Egypt est une ode au corps féminin, tandis que l’autre, s’appuyant davantage sur les images projetées derrière Kate voilée, avance que le sujet est l’opposition entre un fantasme oriental et la réalité, bien souvent peu radieuse, du pays. J’aurais tendance, pour ma part, à pencher pour la première. Je crois, peut-être à tort, que les images projetées et qui, c’est vrai, mettent en avant la misère des ruelles de l’Égypte profonde, sont peut-être tout simplement mal choisies, c’est-à-dire que l’exposition de la misère réelle présente en Égypte n’est pas forcément volontaire. Je préfère m’attacher au texte, à la musique et à la gestuelle de Kate ; et là, l’ensemble paraît entièrement axé sur la sensualité (ce qui ne serait ni la première ni la dernière fois dans ses chansons).
Jugez par vous-même :
« Remonte le Nil
De plus en plus profondément
Les Pyramides semblent esseulées ce soir
Le sable vire au rouge, sur la Terre des Pharaons,
Leur symétrie me touche au plus profond de moi-même.
Je ne peux pas m’empêcher de les consoler,
Jesuis occupé à rechercher mon démon,
Oh, je suis amoureux de l’Égypte.
Ma Reine adorée (en Vo : « My Pussy Queen » !!!), connaît tous les secrets,
Je ne tomberai jamais plus amoureux.
Je dérive avec les Dunes,
Je murmure depuis les tombes,
On m’offre des délices égyptiens.
Elle m’a eu avec son allure féline,
Elle m’a eu avec ces yeux désertiques,
Oh, je suis amoureux de l’Égypte. »
Faut-il vous faire un dessin ? Il paraît évident que le trajet du Nil (et son delta) aux Pyramides, en passant par les dunes, ressemble aux caresses d’un homme amoureux d’une femme ! La mention de la couleur rouge évoque le feu de la passion ainsi que celui qui anime l’acte d’amour, et l’attirance du narrateur pour la symétrie des Pyramides semble rappeler l’attraction irrépressible qu’exerce le corps de l’aimée sur l’amant. Simplement, ici, la femme est symbolisée par l’Égypte : une femme-pays, une femme-paysage, et c’est toute la beauté du texte. Un fantasme oriental certes qui n’oublie pas ses clichés : les Pyramides, le désert, les Pharaons, les délices orientaux…
Kate semble ici jouer avec ce fantasme, dans un pays où le corps de la femme est précisément voilé, caché, secret ; ce qui expliquerait son jeu de scène : elle est « masquée », mais elle se déhanche lascivement, de manière féline (« Pussy Queen »), puis semble succomber aux plaisirs de la rencontre amoureuse. Mais elle est également guettée par la peur : ses yeux s’agitent, comme craignant une menace. Le plaisir de la chair se teinte alors de culpabilité et la femme toute-puissante grâce à la force de son attraction devient la proie d’étranges hommes surgissant soudain, l’enveloppant d’une manière inquiétante, dans un passage musical, qui, par son rythme lancinant et le mouvement des corps agglutinés, suggère l’acte sexuel.
L’amour charnel apparaît alors donc double (voire trouble) : envoûtant, ensorcelant, délicieux, mais aussi dangereux, dans une lutte inégale pour le pouvoir. La domination de la femme séductrice cède le pas à la domination masculine. Et le choix d’une femme voilée pour le dire ne me paraît pas innocent… C’est ici que je verrais le double sens.
Voilà ce que je comprends en écoutant et en regardant ces images…